Les nouvelles routes des drogues

 

 

MEXIQUE

Tout comme la Colombie, ce pays est gangrené par les capitaux de la drogue. L'ouverture économique initiée par la président Carlos Salinas de Gortari a permis aux trafiquants de s'assurer d'importantes positions économiques. Selon le département d'Etat américain, Mexico est un des principaux, centres de blanchiment de l'argent sale. La corruption est largement facilitée par l’existence d'un parti-Etat, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), au pouvoir depuis soixante-six ans. L'appartenance du Mexique à l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) lui vaut cependant une certaine clémence de la part des Etats-Unis, réalisme économique oblige.

 

Les cartels colombiens battus par les capos mexicains

Longtemps simple lieu de transit, le pays est devenu une pièce essentielle de la logistique des narcos. Grâce à la corruption et à la perméabilité de la frontière, ils alimentent le très lucratif marché des Etats-Unis, qui compte 10 millions de cocaïnomanes et héroïnomanes, et 20 millions de fumeurs de marijuana.

Reforma - MEXICO

De 100 à 150 tonnes de cocaïne, 4 000 tonnes de marijuana et 6 tonnes d'héroïne entrent chaque année aux Etats-Unis en provenance du Mexique, en empruntant huit grandes voies terrestres. Ces itinéraires sont parfaitement structurés - avec des postes de contrôle à Guadalajara, Saltillo, San Luis Potosi et Mexico - et les trafiquants y bénéficient En dix ans d'appuis parmi les autorités, comme le signalent des rapports émanant des ministères des Transports et des Communications, et de la Justice mexicains et du gouvernement des Etats-Unis.

 

En dix ans, le Mexique a détrôné la Colombie comme principal fournisseur des États-Unis

 

Il y a un an, Washington décernait au Mexique le certificat [renouvelé en 1996, à la surprise de nombreux observateurs] attestant que le pays lutte activement contre le trafic de drogue. Et ce même si, au cours de l'année précédente, les autorités mexicaines avaient obtenu les pires résultats enregistrés au cours des six dernières années. Le département d'Etat formulait toutefois deux critiques à l'égard du Mexique : son incapacité à stopper le passage d'avion gros porteurs chargés de cocaïne, et à régler le problème du blanchiment d'argent sale.

Ces deux questions furent amplement traitées dans le cadre de la coopération bilatérale en 1995. Le ministre des Affaires étrangères mexicain, José Ange Gurría, et son homologue américain, Warren Christopher, annoncèrent en juin que les deux pays allaient enquêter conjointement sur une dizaine d'établissements financiers soupçonnés d'être mêlés au blanchiment, et travailler au démantèlement du réseau aérien de transport des stupéfiants.

 

En dépit des résultats obtenus, la multinationale de la drogue continue d'accroître sa puissance. Le président, Bill Clinton le reconnaissait le 22 octobre 1995: "Nous devons intensifier l'action contre les cartels et les cultures, et diminuer la demande dans les pays consommateurs comme les Etats-Unis."Les services de renseignements mexicains savent qu'il y a dans le pays un stock de 180 tonnes de cocaïne. Le Mexique est devenu, selon eux, le grand entrepôt à cocaïne permettant aux barons de la drogue d'assurer un approvisionnement constant et une stabilité des prix, une place occupée ces cinq dernières années par le Guatemala, où étaient stockées en permanence de 50 à 60 tonnes de cocaïne.

La majeure partie des stupéfiants traverse le territoire mexicain par la route, cachée dans les soutes de camions, pour approvisionner un marché que le gouvernement mexicain estime à 24 millions de consommateurs. Contrôlées par Amado Carrillo (cartel de Juàrez), les frères Arellano Félix (cartel du Pacifique) et [jusqu'à son arrestation le 16 janvier 1996] Juan Garcia Abrego (cartel du Golfe), les narcoroutes sont organisées en fonction de trois critères: la possibilité pour les trafiquants de contrôler les autorités chargées de la lune antidrogue tout au long du trajet; la facilité à passer la douane (surtout côté américain) et enfui. le degré d'infiltration dans les sociétés de transport qui sillonnent sans cesse le pays. Disséminés dans l'intense trafic de poids lourds - qui traversent une frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, longue de 3 000 km -, les chargements transitent par l'un des postes frontières les plus importants: Tijuana-San Diego, Nogales-Nogales, Ciudad Juárez-El Paso, Piedras Negras-Eagle Pass, Reynosa-McAllen et Matamoros-Brownsville.

Protégées de part et d'autre de la frontière par des fonctionnaires des douanes corrompus - un phénomène dénoncé par la commission du Congrès des Etats-Unis chargée de superviser l'activité des services de renseignements -, les voies terrestres constituent le meilleur moyen d'accès à un marché rapportant 49 milliards de dollars par an et constitué d'environ 9 millions de consommateurs de cocaïne, un million d'héroïnomanes et 20 millions de fumeurs de marijuana. Avec une production nette de 5 000 tonnes de marijuana, le Mexique a, en dix ans, détrôné la Colombie comme principal fournisseur des Etats-Unis, pays auquel il procure aujourd'hui 80 % de ses importations. Pour ce qui est de la cocaïne, le Mexique est désormais présent à la fois dans la production et dans l'exportation,,après avoir été pendant longtemps un simple relais entre producteurs colombiens et revendeurs américains. •

 

CÉSAR ROMERO JACOBO

 

 

 

 

 

 

 

 

CÔNE SUD

Discrétion et exportation, les deux mamelles du Mercosur

 

Le Mercosur, le marché commun du cône Sud (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), profite, à tous les secteurs d'activité, y compris au trafic de stupéfiants. Selon le quotidien El Pais de Montevideo, les mafias internationales ont fortement augmenté leurs activités dans la région depuis sa création. Pour sa part, la police uruguayenne affirme disposer d'informations précises sur les opérations réalisées dans le pays par les truands chinois, japonais et est-européens. Ils mettent à profit le port de Montevideo pour exporter vers l'Europe et les Etats-Unis les drogues produites dans les pays andins et en Amazonie. Une saisie réalisée en novembre dernier a permis de mettre en évidence la structure d'un des circuits les plus couramment utilisés. L'avion chargé de cocaïne arrivait de la localité bolivienne de Santa Cruz de la Sierra. Une première étape l'avait conduit dans la ville de Ponta Porà, à la frontière du Paraguay, avant qu'il ne soit intercepté à Rivera, près de la frontière brésilienne. Toujours selon le quotidien de Montevideo, cette filière est contrôlée depuis la ville paraguayenne de Pedro Juan Caballero par des malfrats d'origines syro-libanaise et japonaise.

L'Uruguay offre également l'avantage d'être particulièrement discret et accueillant pour les capitaux. l'importance de son système bancaire permet de blanchir des quantités importantes d'argent sale. Par ailleurs, la corruption qui règne dans les pays voisins facilite les activités illégales. A plusieurs reprises, des personnalités politiques argentines de très haut niveau ont été mises en cause. Elles auraient fermé les yeux sur les activités des trafiquants, moyennant finance. Pour des raisons diplomatiques, les Etats-Unis n'ont pas encore exercé de pressions majeures sur Buenos Aires. Il est également de notoriété publique que la ville paraguayenne de Ciudad del Este est le siège de nombreuses opérations douteuses.

 

POLOGNE - 513

Arrêtés par la police polonaise en collaboration avec Interpol, quatorze trafiquants assistent à l'ouverture de leur procès. Selon l'acte d'accusation, leur gang est soupçonné d'avoir acheminé 280 kg d'héroïne pure de la Turquie vers les Pays-Bas.

ÉTATS-UNIS - 513

L'administration américaine va interdire les importations de Rohypnol, un somnifère vendu sous ordonnance. Surnommé le "Date-Rape Drug" (une manière de dire que ça commence bien et que ça finit mal) ou le "Roophies ", Il donne un sentiment d'ivresse et occasionne pertes de mémoire et accoutumance. Dans les rues des grandes villes américaines, le cachet se négocie de 3 à 5 dollars.

ITALIE - 613

Cinq personnes ont été arrêtées à Rome: elles avaient mis sur pied un astucieux système de livraison de cocaïne. Un simple coup de téléphone et la dose était livrée à domicile. Un taxi assurait le transport dans toute la ville.

GRANDE-BRETAGNE - 613

Un décret gouvernemental britannique interdisant la vente du témazépam a été jugé non conforme aux lois communautaires et pourrait être invalidé par l'Union européenne. Réduit en poudre et injecté par voie intraveineuse, ce somnifère est à l'origine de plusieurs décès en Angleterre.

ALLEMAGNE - 613

"Les cas de consommation de drogue au sein de l'armée allemande sont en augmentation", rapporte le Times. 1 058 cas ont été officiellement recensés en 1994, et 1379 en 1995. L'an dernier, cinq soldats de la Bundeswehr sont morts d'overdose.

MAROC - 713

L'hebdomadaire marocain la Vie économique accorde peu de chances de succès au plan antihaschisch lancé en février par le gouvernement. Certes, les arrestations déjà effectuées "ouvrent des perspectives pour le démantèlement définitif des réseaux du Nord ! Mais l'enquête "se limite aux aspects techniques du trafic, Il ne semble pas que les autorités soient pressées de s'attaquer aux couvertures politiques des narcotrafiquants."

 

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COURRIER INTERNATIONAL N°284 DU 11 AU 17 AVRIL 1996, p. 37