Les nouvelles routes des drogues

 

Un dossier spécial de Courrier International n°284 du 11 avril 1996

Un paysan afghan montre un pain d'opium qu'il apporte aux boutiquiers de Faizabad (nord-est du pays). De là, d'importantes quantités sont acheminées vers le Pakistan

 

SOMMAIRE

 

Introduction

Cartes

L'éditorial d'Alexandre Adler : "Les égouts de la diplomatie américaine"

Russie : "Le cartel de Moscou s'est adapté sans difficulté au conflit tchétchène"

Pays Baltes : "Narcofenêtres" sur l'Occident"

"Héroïne, cocaïne, suivez l'autoroute de l'Est"

"Géorgie : un passage obligé vers la Turquie"

Afrique du Sud : "Pluie de cocaïne sur Johannesbourg"

Cambodge : "Militaires et mafieux comme larrons en foire"

Maroc : "Le Rif ne veut pas perdre son kif"

Nigéria : "La répression est féroce, mais efficace"

Colombie : "Le trafic à l'abri des hévéas"

Medellin : "Le nouveau boss s'appelle "Pacho" Herrera"

Caraïbes : "Embarquement immédiat pour les Etats-Unis"

Mexique : "Les cartels colombiens battus par les capos mexicains"

Cône sud : "Discrétion et exportation, les deux mamelles du Mercosur"

Israël : "Vive la paix et le trafic facilité !"

Liban : "Pois chiches contre haschisch"

Asie centrale : "Le Kirghizistan, itinéraire obligé de la poudre afghane"

Pakistan : "Le Baloutchistan, paradis des narcos"

Kazakhstan : "Le relais de la filière chinoise"

Portraits de trafiquants

Canada : "La douceur perdue du supercannabis québécois"

Etats-Unis : "Le jour où l'herbe ne se fumera plus"

Royaume-Uni : "Le temazépam, trente secondes de bonheur, un moignon pour la vie"

Etats-Unis : "La méthamphétamine, plus dure que le crack"

Cambodge : "Medellín-sur-Mékong"

Pays-Bas : "Au royaume de l'ecstasy, les Néerlandais sont les rois"

Colombie : "Des héritiers aux portes de l'Etat"

Mexique : "Des urnes bourrées à la poudre"

Pakistan : "Les trafiquants siègent au Parlement"

 

 

 

Introduction

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" Eliminons les cultures et nous éliminerons la consommation", proclamaient, à la fin des années 80, les stratèges de la Maison Blanche. Une petite décennie plus tard, Pablo Escobar repose en paix à Medellín, la culture du cannabis a cessé dans la Bekaa, mais rien n'est résolu. Cocaïne et héroïne arrivent toujours sur les trottoirs des grandes villes occidentales. Les experts de Washington avaient sous-estimé la formidable capacité d'adaptation des narcos, qui ont très bien intégré le nouveau désordre mondial et plus vite que les diplomates.

Les mafias de l'ex-empire soviétique ont tissé leur toile grâce aux vieilles solidarités. Nombre d'anciens des services secrets se sont reconvertis, mettant à profit leurs connaissances. Survient la guerre en Tchétchénie ? Les labos de Chali déménagent vers des Républiques plus accueillantes. Les trafiquants s'adaptent à tout à la guerre bien sûr, comme en Afghanistan, mais aussi à la paix. En Afrique du Sud ou au Moyen-Orient, la fin des conflits est une aubaine et la marchandise coule à flots. Sur le continent américain, les Etats-Unis souhaitent créer d'ici à 2005 une grande zone de libre-échange de la Terre de Feu à l'Alaska. Mais elle existe déjà : la feuille de coca produite en Bolivie, transformée en pâte base au Pérou, puis en cocaïne en Colombie, arrive sur les trottoirs de New York grâce aux mafias mexicaines.

Comme toutes les entreprises qui se respectent, les organisations criminelles ont à cœur de profiter des innovations technologiques. En dix ans, l’ecstasy et la méthamphétamine ont conquis d'immenses parts de marché. Les producteurs de cannabis, eux, n'échappent pas à la tentation productiviste : au Canada, ils manipulent les gènes des plants pour augmenter la quantité de principe actif, le THC. Et aux Etats-Unis le pot est produit grâce aux dernières trouvailles de l'agriculture hors-sol.

Ce commerce illicite dégage des profits immenses. Pour garantir la tranquillité indispensable à la bonne marche des affaires, les trafiquants en redistribuent une partie. Au Cambodge ou au Mexique, des hommes politiques, des policiers et des militaires en sont les premiers bénéficiaires. Et malheur à celui qui se met en travers de leur route ! De nombreux Etats de la planète vivent au quotidien la malédiction de l'argent sale. Mais le vrai pouvoir ne s'achète pas, il se lit dans les yeux des autres, dans le respect qu'il inspire. En Colombie, les héritiers des capos veulent pouvoir marcher la tête haute, gérer leurs affaires sans qu'on leur rappelle les origines de leur fortune. Ces "fils à papa" fréquentent les meilleures universités colombiennes et américaines...

L'échec de la répression tous azimuts paraît aujourd'hui acquis, d'autant que cette politique dissimule parfois des visées diplomatiques. Les Etats ferment les yeux sur ces trafics pour les mettre au service de leurs intérêts et les narcodollars trouvent toujours des banques pour les accueillir. La communauté internationale n'échappera pas à la nécessité de trouver une voie entre le tout-répressif incohérent et une libéralisation sans garde-fou.

 

Coordination : Rinaldo Depagne, Jean-Christophe Rampal ; Conception graphique : Josyanne Challeton Direction artistique : Bernadette Dremière ; Cartographie : Thierry Gauthé, Daniel Guerrier. Avec l'équipe de Courrier international.

 

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COURRIER INTERNATIONAL N° 284 DU 11 AU 17 AVRIL 1996, p. 29 à 45