Source

 

« La fin de la prohibition aidera l'ensemble de la société »

Richard Watkins travaille dans une prison d'Etat à Huntsville au Texas.

Par A.Au.

Libération du jeudi 25 novembre 2004 

 

Vétéran du Vietnam, Richard Watkins a été porté disparu pendant l'offensive du Têt. Il travaille actuellement à la direction de « Holiday Unit », (Unité vacances &endash; sic &endash;) une prison d'Etat à Huntsville (dont 7.000 de 25.000 habitants travaillent pour le système carcéral) au Texas. Il est également un membre influent de l'église méthodiste locale.

Quand avez-vous pour la première fois été confronté à la guerre à la drogue ?

C'était, je crois, à la fin des années 60 ou au début des années 70. Un type avait pris une peine de trente ans de prison pour un joint. Je n'ai jamais oublié que c'est notre système qui avait permis une telle aberration. Pour ma part, j'ai toujours pensé que ce dont ces gens avaient besoin, c'était d'être aidés, pas enfermés. La répression est une impasse. Le traitement, lui, signifie une chance de rester impliqué dans la communauté, de continuer à travailler. Lorsque la prohibition de l'alcool a pris fin, la plupart des problèmes qui y étaient liés ont disparu: la prohibition ne marche pas. Sa fin aidera l'ensemble de la société.

Comment ont réagi vos collègues lorsque vous avez publiquement pris parti ?

Je me bats contre le système depuis vingt ans. On a essayé de me faire taire, mais on n'a jamais réussi. Ici, la philosophie moyenne est plutôt: enfermez-les tous et jetez les clés. Aussi, je ne vois pas qui serait assez fou, à part moi, pour prendre publiquement position contre la guerre à la drogue au Texas. De toute façon, je n'ai jamais de conversations à ce sujet avec mes collègues. Je dois dire que je suis assez différent d'eux. Pas meilleur, mais différent. Moi, j'ai été recruté en 1984 pour remédier aux aberrations du système carcéral.

Pourquoi l'Amérique est-elle si attachée à sa guerre à la drogue ?

Cette nation a été programmée. Elle ne réagit qu'émotionnellement. Nixon était un criminel. Il n'a lancé sa « guerre à la drogue », en 1968, que pour jouer sur l'émotion des gens. Cette guerre est une plaisanterie, ce n'est pas réaliste. Comment peut-on espérer empêcher les gens de produire de la coca quand on sait ce qu'ils peuvent en tirer ? Mais les Américains n'ont aucune idée de ce que sont les vrais problèmes de leur pays. Prenez le film de Michael Moore, « Fahrenheit 9/11 », tout ce qu'il dit est vrai mais les gens n'en ont aucune idée. La vérité ne touche pas cette nation.

Regrettez-vous d'avoir été impliqué dans cette guerre ?

Je n'ai jamais eu le sentiment d'être plus utile aux autres que depuis que je travaille ici. Si c'était à refaire, je referais exactement la même chose. Je pense avoir été utile aux prisonniers qui ont été sous ma responsabilité. J'ai eu moins de succès avec le personnel de la prison.

 

© libération

retour | suivant