DrugSense Weekly, Feb. 15, 2002 #238

Dans notre guerre antidrogue, le vrai méchant, c'est la prohibition

By Buford C. Terrell

Buford C. Terrell est professeur au South Texas College of Law, il enseigne la législation sur les substances contrôlées. Ce texte était paru précédemment dans le Houston Chronicle [très conservateur].

Texte original

 

[Traduction libre : Raph]

 

L'Office américain pour une politique de contrôle des drogues (ONDCP) a dépensé 3,2 millions de dollars pour une publicité, diffusée lors du Super Bowl, qui prétend que les gens qui achètent des drogues sont des supporters des terroristes. Mais ceci n'est pas la véritable histoire. La véritable histoire, c'est que les profits du commerce de drogue amassés par les gangsters et les terroristes sont le résultat, non pas des drogues, mais des lois interdisant les drogues.

Nous sommes presque neuf sur dix à consommer la substance addictive et qu'est la caféine, mais les commerces de café ne financent pas les terroristes. Un quart de tous les adultes sont dépendants à la nicotine, mais le commerce de cigarettes ne finance pas les terroristes. Les deux-tiers du pays consomment cette drogue psychoactive qu'est l'alcool, mais depuis 1933, les commerces d'alcool n'ont pas soutenu les terroristes ou les criminels. Pourquoi ? Le pack de six bières est vendu pour quelques dollars et la vodka peut être achetée à moins de 10 $ le litre. Le café et le thé sont vendus pour quelques centimes le gramme, et même les cigarettes avec leurs taxes ne coûtent que 3 $ l’once [1 once = 32 g env., NdR]. À ces prix-là, il n'y a pas de profit excessif pour les terroristes.

Mais la marijuana est à 100 $ l'once et la cocaïne à 10.000 $ le kilo. L'héroïne pèse plus de 100.000 $ le kilo. Des personnes sont prêtes à tuer et à risquer la prison pour de tels profits, et il y a beaucoup d'argent pour soutenir les terroristes et les gangsters et acheter des policiers escrocs pour protéger le trafic.

Le “méchant” de l'’histoire, c'est la prohibition. Mettons fin au marché noir par la mise en vente de marijuana au prix des cigarettes et l'héroïne au prix de l'aspirine (le prix auquel elle était vendue quand elle était légale). Les dealers de drogue et les terroristes iront voir ailleurs car il n'y aura plus d'argent pour eux. L'expérience de la prohibition de l'alcool a montré que lorsque la prohibition prit fin, les gangsters sortirent du business. Mieux : de nos jours, les distributeurs assermentés de bière ne règlent pas leurs contentieux commerciaux avec des mitraillettes ; ils vont au tribunal. Mettre fin à la prohibition ratée de la marijuana, de l'ecstasy, de la cocaïne, de l'héroïne et autres drogues -- en régulant leur vente et en utilisant les moyens déjà employés pour la caféine, l'alcool et la nicotine -- devrait éloigner les dangereux dealers de drogue, les trafiquants vicieux, les policiers corrompus et, oui, les terroristes d'Al-Qaida de notre société, exactement comme l'abolition de la prohibition de l'alcool a sonné le glas du règne d'Al Capone et de Myer Lansky.

Et les terroristes ? Ils continueront d'obtenir de l'argent de leurs contributions religieuses, de la vente de miel (une source importante des revenus d'Ousama Ben Laden) et du pétrole. Ils utilisent l'argent de la drogue parce que la prohibition leur facilite les choses, mais ce n'est pas leur principale source de revenus.

En finir avec la prohibition ne mettra pas un terme aux problèmes générés par la minorité d'usagers de drogue qui ne peuvent contrôler leur consommation ; mais la prohibition n'y est pas parvenue non plus. Nous avons probablement plus de personnes dépendantes à l'héroïne aujourd'hui que nous n'en avions en 1914 lorsque nous l'avons initialement prohibé. Le problème est qu'aujourd'hui nous avons à la fois les problèmes liés aux drogues et les problèmes liés à la prohibition des drogues : de vastes sommes d'argent vont aux gangsters et aux terroristes, à la corruption de fonctionnaires, au drive-by shooting [tirer d’une voiture sans s’arrêter, NdR] et aux maisons de crack ; les infections à l'hépatite C et au VIH se multiplient à cause de l'incapacité d'acheter des seringues et l’on compte plus de 700.000 arrestations l'an dernier pour la simple possession de cannabis. Nous n'avons pas été capables de mettre fin aux problèmes causés par l'abus de drogues, mais nous n'avons pas à aggraver ces problèmes avec les misères causées par ces lois de prohibition stupides et inefficaces. Notre pays fait face, de nouveau, à des déficits budgétaires, dont une large part provient de ce milliard de dollars mensuel que coûte la guerre anti-drogue. Dans le même temps, le gouvernement fédéral dépense 20 milliards de dollars par an dans la guerre anti-drogue, un montant qui fera plus que racheter le coût de la guerre contre le terrorisme.

Près de 25.000 $ par an pourraient être économisés pour chaque usager qui ne serait pas envoyé en prison ; 700.000 jeunes consommateurs de cannabis ne seraient pas stigmatisés comme criminels pour le reste de leur vie, et le mauvais usage de drogue pourrait être considéré comme le problème médical qu'il est plutôt que d'être traité comme un crime. Combattons le terrorisme ; arrêtons la prohibition.