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Numéro 29

septembre 2002

Les origines et les enjeux de la prohibition des drogues

 

Loin de s'opposer, prohibition et trafic de drogues s'entretiennent réciproquement. Ils relèvent du système économique dominant. Première partie d'un entretien avec Robert Delanne, aventurier, navigateur et ancien contrebandier dont l'ancien procureur Georges Apap souligne à juste titre l'esprit rebelle.

 

Entretien avec Robert Delanne

Quelle est l'origine de l'idéologie de la prohibition et quelle est son histoire, en remontant au lancement de cette politique &endash; et au plan international ?

D'abord, je ne crois pas que la prohibition des drogues soit une idéologie : c'est un outil au service d'une idéologie, d'un pouvoir. Un peu d'histoire va nous aider à mieux comprendre.

Nous savons, les fouilles archéologiques l'ont prouvé, que depuis des millénaires (11 000 ans pour l'opium et pour le cannabis) l'homme a vécu en bonne intelligence avec les drogues. Pour l'essentiel, elles jouaient un rôle de cohésion sociale au cours de cérémonies religieuses, de rites sacrés, sous le contrôle des dominants de l'époque, ou de leurs représentants religieux, politiques ou militaires.

En outre, leurs nombreuses vertus médicinales en faisaient des produits très prisés qui se vendaient un bon prix, régulé par l'offre et la demande.

Cet équilibre millénaire entre les hommes et les drogues a été rompu au cours du XVIIème siècle, à la suite de ce que Colin Ronan, dans son Histoire mondiale des sciences, n'hésite pas à désigner comme la plus grande révolution scientifique de notre histoire. Jusque-là l'histoire se répétait un peu à l'identique. Une ou plusieurs civilisations émergeaient, dominaient un coin de la planète connu, puis déclinaient et disparaissaient, et une ou plusieurs autres civilisations prenaient le relais, ajoutant chaque fois un plus à la vie.

Soudain il se passe quelque chose de beaucoup plus fort. Entre le XVème et le XVIème siècle, une conjonction d'événements scientifiques, politiques et culturels accélère l'histoire : c'est ce qu'on a appelé la Renaissance.

Et, de toutes les sciences et techniques, celle qui bénéficia le plus de cette révolution fut la science de la navigation qui commença une évolution aux conséquences immenses.

En quelques décennies, le gouvernail d'étambot, de nouveaux gréements, la boussole, l'astrolabe (ancêtre du sextant), les lochs pour mesurer les distances parcourues, les premières lunettes, les premières cartes marines fiables - les portulans - et enfin les caravelles rendirent possible la navigation hauturière, et en à peine plus de trente ans (de 1492 à 1526) le monde antique explose : l'homme découvre sa planète, l'Antarctique et l'Arctique, sous l'impulsion de cinq nations gagnées par les idées nouvelles qui, après s'être débarrassées de leurs divers envahisseurs, font leurs unités et trouvent leurs frontières quasi définitives : l'Espagne et le Portugal, un temps dynastiquement liées, la France, les Pays-Bas, et en tout dernier l'Angleterre, en 1603.

L'Espagne et le Portugal installent d'importantes colonies dans les deux Amériques et le Portugal, seul, a dès 1498 le monopole du commerce des Indes jusqu'aux Moluques.

Un siècle plus tard, en 1595 à Amsterdam, naît la VOC, Verenigde Oost indische Compagnie, première compagnie des Indes orientales, qui va déposséder le Portugal de son monopole et déclencher, sans l'avoir prémédité, le processus qui allait faire de l'opium d'abord, puis de toutes les drogues, un élément majeur de l'économie mondiale.

La VOC est une grande première dans l'histoire : financée par actions cotées en bourse, avec la charte du 20 mars 1602, elle pouvait signer des traités, lever des armées, construire des forteresses, déclarer des guerres et signer des paix, exercer la justice, battre monnaie, lever des impôts. Tenue par ses actionnaires, elle n'avait qu'un seul but : le profit.

La VOC est l'ancêtre des grandes multinationales prédatrices d'aujourd'hui. Mais c'est aussi beaucoup plus que cela : la quasi-totalité de ses actionnaires étant des commerçants, la VOC est la première manifestation structurée d'une bourgeoisie marchande se libérant des privilèges féodaux.

Deux siècles avant la prise de la Bastille une nouvelle race de dominants était en train de naître : les capitalistes.

Outre les épices, les tissus, les parfums, la VOC expédie en Europe du tabac, du riz, du thé, du sucre, mais aussi du fer, de l'étain et de l'acier. Elle obtient le monopole sur l'opium récolté en Inde et finance ses envois vers l'Europe en important en Chine de telles quantités d'opium que l'empereur mandchou, voyant s'effondrer sa balance commerciale décrète, en 1729, l'interdiction de l'opium sur son territoire. Trop tard. En quelques décennies, les quantités d'opium importées, entre 300 et 400 tonnes par an, ont déjà répandu l'opiomanie dans la population chinoise. Pour satisfaire la demande, une contrebande s'organise. Les risques courus font monter les prix. Et pour la première fois dans l'histoire, le grand commerce européen découvre que l'opium est beaucoup plus qu'un médicament : il crée une dépendance et son commerce, dopé par la prohibition, peut être la source d'immenses profits.

Consacrée première puissance maritime mondiale par le traité d'Utrecht en 1713, l'Angleterre chasse peu à peu la VOC jusqu'aux Moluques, crée l'EIC (East Indian Company) qui prend le relais des hollandais et, en 1758, détient le commerce de l'opium indien.

De 1729 à 1836, l'empire de Chine édictera près de quarante décrets prohibitionnistes. En vain. Malgré une répression parfois féroce, la contrebande se fait sur une grande échelle, avec la complicité quasi générale de l'administration chinoise corrompue. Les prix explosent et le tonnage livré à la Chine passe de 240 tonnes avant la prohibition à 6500 tonnes en 1884. Deux guerres, dites guerres de l'opium, mettent la Chine à genoux, et en 1858 le traité de Tientsin légalise l'importation d'opium en Chine.

L'opium représentait alors plus de 41% des profits coloniaux de la couronne d'Angleterre. C'est ainsi que la Chine décida de développer la culture de son propre pavot dont la production atteignit, en 1896, 12 000 tonnes, éliminant ainsi pratiquement la totalité des importations anglaises. Et sa gracieuse majesté, Victoria Ier, perdant ainsi une importante source de profits, la Chambre des Communes déclare le commerce de l'opium immoral. Sans doute pour gêner les chinois dans la commercialisation de leur opium, alors que l'Angleterre continue à alimenter en opium l'Europe d'abord, les USA ensuite.

Un premier constat s'impose : les Anglais ont fait de l'opium une arme de conquête qui relève du commerce prédateur, tout en favorisant son extension en Europe et en Amérique. Deuxième constat : les prohibitions décrétées par la Chine, loin d'obtenir les résultats escomptés (rééquilibrage de la balance commerciale et protection de la population contre la drogue) ont, au contraire, dynamisé le trafic, mis la Chine à genoux et provoqué la toxicomanie de trente à quarante millions de chinois.

Entre-temps, l'Angleterre est devenue, dès le début du XIXème, la première puissance mondiale grâce à son empire colonial et à la révolution industrielle qu'elle fut la première à accomplir. Son industrie avance à pas de géant, mais dans les fabriques, les conditions de travail sont particulièrement dures et la Grande-Bretagne inaugure, dans les corons et dans les cités ouvrières, un mode de consommation des drogues qui gagnera bientôt toute l'Europe et les USA.

La chimie découvre la morphine en 1803, la cocaïne en 1860, et l'héroïne en 1874. Et, dès le début des années soixante, les médicaments opiacés sont en vente libre dans toutes les pharmacies européennes et les drugstores anglo-saxons.

L'opium et ses dérivés sont la panacée : tablettes de morphines, bonbons à la codéine, élixirs, philtres, baumes, etc. L'industrie pharmaceutique prospère sur fond d'exploitation des propriétés de l'opium, médicament et drogue.

Bref, l'opium est devenu un élément essentiel de l'économie mondiale à l'apogée de la période coloniale. Le XIXème siècle se termine.

L'Angleterre domine le monde. Le commerce de l'opium est entre ses mains. Les plus grands laboratoires pharmaceutiques sont en Europe. Ils fabriquent la morphine, l'héroïne et la cocaïne par centaines de tonnes qui alimentent aussi bien les besoins médicaux que le marché de la consommation clandestine. Les USA sont exclus de ce marché juteux.

Or, depuis leur indépendance, et malgré plusieurs guerres qui les ont laissés exsangues et divisés, ils se sont rapidement développés. De 1870 à 1906, leur PIB a quadruplé, et leur population a doublé. Ils ont conquis quelques colonies : Porto Rico, les Philippines, l'Ile de Guam, Hawaï, Cuba, et ils contrôlent Panama. Ils veulent entrer dans la cour des grands, toujours dominée par la Grande-Bretagne et son empire colonial qui a démontré l'importance politique et économique des drogues et en tire d'importants profits.

Sur l'insistance des USA se tient à Shanghai, en 1909, la première conférence internationale pour une prohibition générale de l'opium pour tout usage non médical.

Au nom de la morale ? Soyons sérieux ! Nous avons vu le rôle de la morale américaine dans la guerre du Nord libéral contre le Sud esclavagiste. Guerre qui visait moins à libérer les Noirs de l'esclavage qu'à récupérer une main d'¦uvre bon marché pour l'industrie nordiste. Nous avons vu le rôle de la morale dans l'anéantissement du peuple indien. Pour préserver le peuple américain des drogues ? Peu plausible, les américains s'adonnant plus volontiers aux alcools forts.

Alors, pourquoi les Américains insistent-ils tellement pour une interdiction mondiale de l'opium alors qu'ils se contenteront d'une déclaration d'intention sans qu'aucun organisme de contrôle soit mis en place ? En fait, les USA, grâce à leurs bases coloniales dans le Pacifique, se sont assurés la maîtrise de cette zone jusque-là contrôlée par la Grande-Bretagne. Et la nouvelle croisade anti-opium va leur permettre de saper l'emprise commerciale anglaise en Asie, en arraisonnant légalement les navires anglais transportant l'opium.

La deuxième conférence, à La Haye, en 1912, toujours à leur demande, étend l'interdiction à la cocaïne et au cannabis. Seront ainsi retirés des pharmacies et des drugstores la quasi-totalité des gadgets opiacés et cocaïnés dont les industries pharmaceutiques européennes tirent d'immenses profits.

Enfin, toujours convoquée à la demande des USA, la conférence de Genève, en 1925, prévoit, avec l'interdiction de toutes les drogues pour un usage non médical, un contrôle sévère du comité central permanent de la Société des Nations. À partir de là, le commerce des drogues, qui était un commerce lucratif, considéré comme immoral mais légal, devient alors un délit passible de lourdes peines. Et les sanctions prévues dopent les prix, pénalisant ainsi les laboratoires européens. Et cette prohibition générale des drogues dynamise un trafic contrebandier international, multiplie les réseaux clandestins incontrôlables, sauf par les mafias américaines nées de la prohibition de l'alcool (de 1919 à 1931) qui, sous l'impulsion de Lucky Luciano, s'emparent du marché et utilisent les mêmes filières mises en place pour la contrebande des alcools.

Une conclusion s'impose : les prohibitions n'ont rien eu d'idéologique. Tous les discours au nom de la morale et de la protection des peuples n'ont servi qu'à couvrir des buts économiques, géopolitiques ou de conquête.

Aux yeux du peuple américain et aux yeux du monde, les USA veulent apparaître comme les chevaliers blancs de la guerre sainte contre la drogue. En réalité, ils cherchent à défendre leurs intérêts économiques y compris ceux qui sont liés aux trafics internationaux. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce que vous appelez la duplicité américaine ? Dans quelles grandes opérations la CIA a-t-elle été impliquée ?

Pour comprendre le double jeu américain, il faut revisiter un peu l'histoire de l'après-guerre. Dès 1946, malgré les dévastations de la seconde guerre mondiale, l'URSS voit son influence étendue à plus du tiers de la planète. Ce qui réduit d'autant le marché capitaliste mondial. Plus de la moitié de l'Europe est passée au socialisme, et dans l'autre moitié les Partis communistes rassemblent des millions d'électeurs.

En Asie, l'indépendance de l'Inde, la naissance de la Chine communiste, ont suscité de nombreux mouvements d'indépendance soutenus par l'URSS, puis par la Chine.

En Amérique centrale et en Amérique du Sud, le Chili, la Bolivie, le Costa Rica, le Guatemala, ont des gouvernements de gauche. L'agitation sociale gagne la Colombie, le Mexique, Panama. De nombreux maquis anti-USA naissent un peu partout. Aux USA mêmes, la reconversion en économie de paix se fait mal. Le plan Marshall perd peu à peu son efficacité.

Le leadership américain est menacé et la grande priorité est maintenant la lutte contre le communisme. C'est le début de la Guerre Froide et, dans ce contexte, les drogues vont jouer un rôle capital.

Or, le fascisme et la guerre ont démantelé le grand trafic en Europe. La Chine, l'indépendance des Indes l'ont bouleversé en Asie.

Les USA, grâce à leur puissante CIA, s'inspirant des leçons de la couronne d'Angleterre, et avec la complicité des services secrets français en Indochine, vont se servir de l'opium pour leur stratégie anti-communiste dans tout l'Est asiatique.

Ils se font des alliés des populations qui vivent de l'opium, encouragent le trafic, et trouvent à bon compte les mercenaires dont ils ont besoin contre les communistes. Les principaux réseaux connus pour avoir bénéficié de la protection et de l'assistance logistique de la CIA sont les suivants :

En 1949, les troupes vaincues du Kuomintang (KMT) se réorganisent avec l'aide de la CIA sous le nom de « chinese independance force ». Le KMT fait passer sa production d'opium de 40 tonnes en 1949 à 340 tonnes en 1960.

En 1950, en Thaïlande, le chef de la police, le général Phao Sriyanonda, avec l'appui de la CIA, s'associe avec les triades chinoises de Bangkok pour expédier la drogue vers l'Europe et les USA.

En 1954, la CIA constitue à la frontière du Vietnam, avec l'aide des services secrets et de l'état-major français, sous la direction du général Salan, une armée de mercenaires qui comptera 35 000 hommes en 1965, et organise le transport de l'opium vers les raffineries. De là les compagnies charter de la CIA, Air America et Continental Air Service convoient la morphine base et l'héroïne du KMT.

En 1958, au Laos, la CIA « démissionne » le gouvernement de gauche et le remplace par le général Phoumi qui travaille pour le KMT.

Plus à l'ouest, plus récemment, pendant la guerre entre l'URSS et l'Afghanistan, de nombreux témoignages ont dénoncé les livraisons d'armes par les USA aux rebelles contre de la morphine base.

Plus tard encore, à trois reprises, les USA se sont surpassés.

En 1979, au grand dam des USA qui craignent un deuxième Cuba, les sandinistes ont pris le pouvoir au Nicaragua. Les anti-sandinistes (les contras) se réfugient au Costa Rica. Les USA décident de les aider dans leur combat contre les sandinistes. Le ravitaillement en armes des contras est dirigé depuis la Maison Blanche par le colonel North. Les avions américains livrent les armes, repartent à vide vers la Colombie, et reviennent chargés de cocaïne qu'ils débarquent au nord du Costa Rica, dans le ranch d'un américain, John Hull, qui travaille pour la CIA. La cocaïne est ensuite écoulée sur le marché américain et l'argent récolté servira à acheter les armes en Europe de l'Est par des trafiquants dirigés par une équipe israélo-américano-panaméenne. La CIA se surpassait. Entendez par "la" CIA le colonel North, son directeur Casey, et le vice-président Bush qui plus tard demandera au sénateur Kerry, par qui l'affaire est connue, de cesser de dévoiler des informations « préjudiciables à la bonne image des États-Unis » (sic).

Dans le même temps, le président Reagan accusait publiquement les sandinistes d'empoisonner la jeunesse américaine.

Il y eut aussi l'opération "fulminante", en Colombie, qui succéda de peu à la solennelle déclaration de guerre à la drogue de Bush père, en 1981, qui marquera non une simple aggravation de la prohibition mais un véritable changement qualitatif dans la méthode.

À partir de 1981, les USA auront tous les droits et les moyens de les imposer, dès l'instant qu'il s'agira de la juste lutte contre les drogues. Sous la menace de couper tous les crédits à la Colombie, les USA, avec l'aide de techniciens israéliens, lancent l'opération « fulminante » pour éradiquer la marijuana colombienne.

La flore et la faune sont détruites sur des milliers d'hectares, les troupeaux décimés, les paysans atteints de maladies mystérieuses... Les observateurs étrangers parlent d'un véritable désastre écologique. La presse française célèbre le succès des USA contre la drogue.

Mais... la vérité est dans les chiffres : avant "fulminante " la Colombie livrait 80% de la marijuana consommée par les 20 millions de fumeurs américains. Après "fulminante", les États-Unis deviennent les premiers producteurs mondiaux de marijuana (34,4% : chiffre donné par l'ONU), et récupèrent la totalité du marché américain.

Non seulement ils ont privé la Colombie de 8% de son PIB, mais ils ont détruit des milliers et des milliers d'hectares de cultures vivrières, mettant la Colombie à la merci d'une aide financière que les USA voudront bien lui accorder selon son degré de soumission.

Cependant, le summum de ce qu'on peut appeler la criminalisation de la politique anti-drogue des USA est atteint lors de leur agression contre le petit Panama.

Plus de 10 000 civils y ont été assassinés (selon Amnesty International), sous prétexte de capturer le général Noriega, qui avait cessé de plaire à la CIA après vingt ans de bons et loyaux services. À l'époque, Mitterrand avait même déclaré, sans rire : « L'état de guerre avait été déclaré contre les États-Unis » (sic).

Vingt-quatre mille marines, un porte-avion, des chasseurs bombardiers, des hélicoptères de combat sont mobilisés pour capturer un homme ne bénéficiant que d'une garde prétorienne. Énorme impact médiatique, magnifique victoire américaine contre le trafic de drogue. Mais...

Début 1989, une dépêche AFP explique qu' « un rapporteur au Congrès déclare : nous blanchissons aujourd'hui 30% de l'argent de la drogue ». À la même époque, Arias Calderon, chef du Parti Social démocrate panaméen, déclare : « Nous avons la dette du Tiers Monde la plus élevée rapportée au nombre d'habitants, la seule solution pour tenir est d'accroître le blanchiment ».

Fin 89, les USA attaquent le Panama. Et moins d'un an plus tard, le rapporteur des banques auprès du Sénat américain déclare : « Nous blanchissons actuellement 80% de l'argent de la drogue. » Et on apprenait quelques années plus tard que les nouveaux patrons des banques panaméennes, mis en place par Bush, sont ceux qui géraient les finances du cartel de Medellin.

Questions posées par Jean-Luc Guilhem et Gilles Alfonsi

Quelles alternatives à la prohibition des drogues ?

Deuxième partie de cet entretien dans notre prochain numéro (décembre 2002).

Robert Delanne par Georges Apap, ancien procureur

Robert Delanne est largement septuagénaire. Ancien résistant, acteur de théâtre, navigateur, boxeur, contrebandier, explorateur, écrivain, militant antiprohibitionniste, tels sont quelques-uns des avatars d'une personnalité aux multiples facettes qui le situe d'emblée de part et d'autre de la règle commune, comme si l'inconstance des lois dans l'espace et dans le temps lui avait donné le sentiment de leur relativité.

« Antigone est ma sainte », disait Cocteau qui s'y connaissait en transgression. Robert Delanne sait lui aussi d'instinct se rebeller contre des lois ineptes et franchir leurs frontières dès qu'il se sait porteur d'une vérité supérieure. Car c'est une loi inepte que celle qui punit le consommateur de substances arbitrairement « classées », et c'est une vérité supérieure que celle qui proclame la liberté de choix de vie qui ne porte aucun tort à autrui.

Antigone mettait sa vie en jeu. Robert Delanne, lui, ne fut qu'incarcéré. Après cette riposte des pouvoirs établis, il fut fondé à penser qu'ayant subi sa peine, il était quitte envers ses censeurs. Mais il était désormais fiché, répertorié, casier-judiciarisé.

Georges Apap

Extrait de la préface de Georges Apap à La croisière impossible, de Robert Delanne (Editions du Lézard, 1999, 172 pages).