FAUT-IL poursuivre dans
l'hypocrisie? La France continue d'interdire en
principe ce qu'elle accepte en
réalité: la consommation de
marijuana, de haschich et autres
dérivés du cannabis. Des millions de
Français, jeunes et moins jeunes, consomment
couramment du cannabis, souvent au vu et au su de
tout un chacun. La police les laisse faire et se
contente de pourchasser &endash;souvent assez
mollement&endash; les trafiquants. Ainsi cet acte
prohibé par la loi ne l'est plus par la
police et la justice.
On dira qu'on ne sort de l'ambiguïté
qu'à son détriment et qu'une
légalisation officielle aurait
l'inconvénient de lever l'interdit moral qui
continue de peser, aux yeux d'une partie de
l'opinion, sur ces substances. Recevant ainsi la
bénédiction implicite du
législateur, la consommation de "drogues
douces" pourrait croître soudain dans des
proportions considérables. Mais on sait
aussi que ces fumées ne sont pas toxiques,
sauf à dose très
élevée, qu'elles ne présentent
aucun risque d'addiction physiologique et que les
véritables problèmes d'accoutumance
et de santé publique sont ailleurs : dans
l'excès d'alcool, de médicaments ou
dans la dissémination des "drogues dures".
On dira encore qu'il n'est point besoin de
rajouter une toxicomanie nouvelle, même
bénigne, à celles qui existent.
Certes, mais on néglige l'effet pervers de
l'interdiction. En accroissant le prix de vente du
haschich et de la marijuana, la prohibition fournit
aux trafiquants une source de profits abondants.
Les réseaux de dealers sont en fait
contrôlés la plupart du temps par des
criminels brutaux et actifs, qui cherchent sans
cesse à gagner de nouveaux consommateurs.
Les lycéens ou les collégiens
désireux de se procurer du cannabis doivent
la plupart du temps s'adresser à des
dealers, c'est-à-dire entrer en contact avec
cette pègre nouvelle, avec tous les dangers
que cela comporte. Personne, évidemment, ne
contrôle la qualité des produits
proposés.
Dans ces conditions, une légalisation
encadrée, avec des points de vente connus et
contrôlés, apparaît comme une
bien meilleure solution. Au lieu d'être
encadrée par des gangsters, la consommation
le serait par quelques professionnels soumis
à contrôle, ce qui constituerait tout
de même un progrès. Bien sûr, la
chose mérite discussion. Au sein du Nouvel
Observateur les opinions divergent et plusieurs
fois nous avons fait état de ces
interrogations. Aujourd'hui la France est
mûre pour le débat. Ouvrons-le... L.J.
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