Source : National Post (Canada), 12 octobre 2005

Site : http://www.nationalpost.com/

 

La guerre antidrogue ne peut pas être gagnée

Par James P. Gray

 

D'après mon expérience de procureur fédéral avec le bureau d'avocats à Los Angeles, d'avocat de la défense dans la Navy américaine, et de juge dans le Comté Orange, en Californie depuis 1983, j'en conclue que la politique américaine gouvernementale de prohibition des drogues n'a pas seulement échoué, mais que cet objectif est sans espoir.

Le problème n'est pas que nos officiers chargés de l'application de la loi ne font pas du bon travail. Ils ont vraiment une tâche dangereuse et difficile et font mieux que ce que nous sommes en droit d'attendre. Ils ne sont pas plus à blâmer de l'échec de la prohibition des drogues que ne l'était Elliot Ness pour l'échec de la prohibition d'alcool. Le problème, en fait, consiste en ce que nos lois prohibitionnistes rendent le trafic des drogues illégales si indécemment profitable que nous ne tarirons jamais l'approvisionnement de drogues pour les criminels qui veulent courir le risque de la prison pour les produire et les vendre.

En fait, notre système actuel nous donne le pire de ce qui se fait dans le monde. Comme résultat direct de notre politique de prohibition des drogues, la criminalité, la violence, la corruption, les impôts et - dans de nombreux cas - même l'usage de drogue ont augmenté, tandis que la santé et les libertés civiques de citoyens ont souffert. Le complexe industrialo-carcéral des Etats-Unis est devenu si gros et puissant grâce à l'argent que nos gouvernements ont budgétisé pour la Guerre antidrogue qu'il est devenu politiquement dangereux pour des élus pour se prononcer contre la politique actuelle. Dans ces circonstances, il appartient aux gens ordinaires - comme citoyens, contribuables et électeurs - d'appeler à cesser ces politiques d'échec.

Nous devons commencer en posant les questions suivantes :

- Qu'est-ce qu'unee "drogue" ? Si la réponse est qu'une drogue est "une substance provoquant une altération de l'esprit et entraînant parfois une dépendance", pourquoi des substances comme la nicotine, l'alcool et même la caféine ne sont elles pas concernées par la même politique ?

- Pourquoi nous ne faisons pas des distinctions entre l'usage de drogue, le mésusage de drogue, l'abus de la drogue et la toxicomanie ? Je reconnais que la marijuana, par exemple, peut avoir des effets nocifs sur l'utilisateur en cas d'excès répétés et réguliers. Mais évidemment, l'alcool aussi. Je bois un verre de vin presque chaque soir avec le dîner. Cela signifie-t-il que j'ai besoin d'un programme de traitement pour usage d'alcool ?

- Pourquoi est-il approprié d'envoyer l'acteur talentueux Robert Downey Jr en prison pour ses problèmes avec la cocaïne, et d'envoyer Betty Ford en traitement pour ses problèmes avec l'alcool ? Ne sont-ils pas de réels problèmes de santé qui doivent être pris en charge par des professionnels médicaux ? Ne devons-nous pas utiliser le système de justice criminelle pour s'intéresser à la conduite des gens, et laisser la communauté médicale et les moeurs sociales pour s'occuper de ce que les gens mettent dans leurs corps ?

- Étant donné qu'il n'y a jamais eu de société dans l'histoire humaine qui n'ait pas intégré quelque forme de drogue psychotrope à consommer et abuser, ne devons-nous pas nous focaliser sur la réduction des risques, plutôt que de combattre la nature humaine par des mécanismes prohibitionnistes ?

- à ce propos, pourquoi notre politique ne tient pas compte des problèmes causés par la Guerre antidrogue elle-même ? Par exemple, je n'ai jamais entendu personne dire que c'est une bonne chose d'être un héroïnomane. Mais si certaines personnes deviennent héroïnomanes, pourquoi doivent-elles attraper aussi le sida par le biais d'aiguilles sales ? C'est là un problème annexe qui est causé par l'interdiction de la distribution et la possession d'aiguilles hypodermiques et de seringues, tout comme celui qui transforme les personnes dépendantes en criminels, les éloignant ainsi encore plus loin des équipements médicaux où ils peuvent obtenir de l'aide. Par ailleurs, pourquoi les Colombiens devraient-ils voir leurs militaires, leur police, leur pouvoir judiciaire, leur sécurité et leur manière de vivre corrompue par notre argent de la drogue ? Les Colombiens n'ont pas de problème de drogue : personne ne meurt à cause d'un plan de coca. Ce qu'ils ont, c'est un problème, dévastateur, d'argent de la drogue.

L'histoire est instructive. Figurez-vous que quand la prohibition d'alcool a été abrogée aux Etats-Unis, les homicides ont diminué de 60 % après seulement un an et ils ont continué à baisser chaque année ensuite jusqu'au début de la Deuxième Guerre mondiale. Je n'ai aucun doute que nous connaîtrons des résultats semblables lorsque nous finirons par abroger la prohibition des drogues.

En juin 1994, l'organisation RAND a publié une étude qui a constaté que nous rentabiliserions sept fois plus nos impôts par des programmes de traitement de drogue que par l'incarcération des toxicomanes. Rendons-donc le traitement de drogue disponible sur demande et sortons les utilisateurs non problématiques de drogues du circuit de la justice criminelle. Cela nous permettra de concentrer nos faibles ressources sur les utilisateurs à problème - des hommes et des femmes que les drogues conduisent à commettre des crimes violents.

En outre, efforçons-nous de supprimer la « profitabilité » de la vente de drogues. Les programmes de décriminalisation et de médicalisation fonctionnent efficacement dans des pays comme la Hollande et la Suisse. Ils peuvent également marcher aux Etats-Unis et au Canada.


Article original

Source : National Post (Canada) du 12 octobre 2005

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The war on drugs cannot be won

James P. Gray

National Post

Based on my experience as a federal prosecutor with the United States Attorney's Office in Los Angeles, as a criminal defence attorney for the U.S. Navy JAG Corps, and as a trial judge in Orange County, Calif. since 1983, I've concluded that the U.S. government policy of drug prohibition has not only failed, but that it is hopeless.

The problem is not that our law enforcement officers aren't doing a good job. In truth is they have a dangerous and difficult task, and are doing better than we have a right to expect. They are no more to blame for the failure of drug prohibition than was Elliott Ness for the failure of alcohol prohibition. The problem, rather, is that our prohibitionist laws make the trafficking in illegal drugs so obscenely profitable that we will never exhaust the supply to criminals willing to take the risk of imprisonment in order to produce and sell them.

In fact, our present system is giving us the worst of all worlds. As a direct result of our policy of drug prohibition, crime, violence, corruption, taxes and -- in many cases -- even drug usage have increased, while the health and civil liberties of citizens have suffered. America's "prison-industrial complex" has gotten so fat and powerful from the money our governments have budgeted for the War on Drugs that it has become politically dangerous for elected officials to speak out against the current policy. Under these circumstances, it is up to ordinary people -- as citizens, taxpayers and voters -- to call a halt to these failed policies.

We should begin by asking the following questions:

- What is a "drug"? If the answer is that a drug is a "mind-altering, sometimes addictive substance," why are substances such as nicotine, alcohol and even caffeine not also addressed by the same policy?

- Why do we not make distinctions between drug use, drug misuse, drug abuse and drug addiction? I agree that marijuana, for example, can have harmful effects upon the user if taken to excess on a regular basis. But obviously, so can alcohol. I drink a glass of wine almost every night with dinner. Does that mean that I am in need of an alcohol treatment program?

- Why is it appropriate to send gifted actor Robert Downey Jr. to jail for his problems with cocaine, but send Betty Ford to treatment for her problems with alcohol? Aren't these really medical issues that should be addressed by medical professionals? Shouldn't we use the criminal justice system to address people's conduct, and leave the medical community and social mores to address what people put into their bodies?

- Given that there has never been a society in human history that has not embraced some form of mind-altering drug to use and abuse, should we not put our focus on harm reduction, rather than fighting human nature through prohibitionist mechanism?

- On a related note, why do our policies not take into account the problems caused by the War on Drugs itself? For example, I have never heard anyone say that it is a good thing to be a heroin addict. But if some people become heroin addicts, why should they also get AIDS from dirty needles? That is a separate problem that is caused by prohibiting the distribution and possession of hypodermic needles and syringes, as well as turning the drug-addicted people into criminals, thus pushing them farther away from medical facilities where they can get help. Moreover, why should the people of Colombia see their military, police, judiciary, safety and way of life corrupted by our drug money? The people of Colombia do not have a drug problem: No one is dying from coca plants. What they have is a devastating drug money problem.

History is instructive. Consider that when alcohol prohibition was repealed in the United States, homicides went down by 60% after only one year, and they continued to decline each year thereafter until the beginning of the Second World War. There is no question in my mind that we will experience similar results when we finally repeal drug prohibition.

In June of 1994, the RAND Corporation released a study that found we get seven times more value for our tax money by drug treatment programs than by the incarceration of drug addicts. So let's make drug treatment available upon demand, and get the non-problem users of drugs out of the criminal justice system. This will enable us to focus our scarce resources upon the problem users -- men and women who are driven by drugs to commit violent crimes.

Further, let's do what we can to take the profit motive out of the sale of drugs. Programs of decriminalization and medicalization are working effectively in countries like Holland and Switzerland. They can work in the United States and Canada as well.