Les Dossiers du Net : Faut-il légaliser les drogues douces ?
18 mai 2005
Par Marc Grunert
Le Québécois Libre
Samedi le 9 mars 2002 a eu lieu à Paris une manifestation contre la prohibition des drogues et particulièrement du cannabis. Elle a été organisée par le CIRC (le sympathique Collectif dinformation et de recherche cannabique de Paris). Cette action commune du CIRC et de la Souris verte (forum des « jeunes verts » qui soutiennent la candidature écologiste de Noël Mamère) avait pour prétexte la dénonciation de lincarcération de Jean-Pierre Galland, président de ce CIRC, mais cétait aussi loccasion de militer pour la légalisation de la drogue.
"Il faut lire les faits et procès de laffaire Galland pour voir comment lÉtat peut se débarrasser de ceux qui nuisent à ses intérêts en sappuyant sur une pseudo loi qui est une véritable insulte à la liberté dexpression. Les libertariens, qui sont contre toute forme de « fascisme sanitaire », doivent sans aucun doute apporter leur soutien à la cause de Jean-Pierre Galland."
Ce document a initialement été publié dans le Québécois Libre (16/03/2002, n°100)
« Les inspecteurs de la brigade anti-drogue de Lyon, raconte Jean-Pierre Galland, après être passé par Montpellier, me trouvèrent à Paris et me reprochèrent dêtre, en tant que président de la Fédération du CIRC, le responsable du logo sur nos t-shirts, et des textes de la compil... Bref, dêtre à la tête du CIRC, une association qui "présente le cannabis sous un jour favorable". » Et le voilà condamné en 1999 à une amende de 10 000 francs.
Un procès en appel aggrava la peine en 2001 à 90 000 francs à payer en 300 jours. Bien décidé à résister, Galland se justifie avec raison : « Quoi quil arrive, je ne paierai pas parce que cette condamnation est un chantage, une peine de prison déguisée. Finalement, ils nont fait quappliquer lourdement, mais logiquement, une loi absurde et dessence totalitaire qui punit lexpression dune opinion hérétique sur la question des drogues. » Aujourdhui, il est aux portes de la prison.
Cette affaire est loccasion de rappeler que la légalisation des drogues est tout à fait naturelle dans une société libre fondée sur la responsabilité individuelle. Un individu étant propriétaire de son corps, il a le Droit de consommer des drogues du moment quil nagresse pas les droits dautrui (voir À QUI APPARTIENT NOTRE CORPS ?, le QL, no 84).
Bien entendu, la consommation de drogues est un vice moralement critiquable sil conduit à une déchéance de ses facultés. Mais lindividu doit avoir la liberté de disposer de sa vie, et les autres celle de laider, de le convaincre de se passer des paradis artificiels, voire de lostraciser. La régulation des comportements humains dans une société libre se fait naturellement. Un individu naura pas intérêt à adopter un comportement qui lexclut de la communauté des échanges. Ou, sil le fait, il doit en mesurer les conséquences.
Mais dans nos sociétés, sous le couvert dun mythique « intérêt général », lÉtat interdit la consommation et le commerce des drogues sans se soucier des coûts de cette interdiction. Or les coûts sont énormes. Le plus visible est dordre financier. Le budget de lÉtat consacré à la lutte contre la drogue est considérable. Ensuite la criminalisation des activités liées à la drogue est la cause directe de lemprise des mafias sur le marché des drogues, en raison de la prime de risque très élevée que la prohibition engendre. La clandestinité du marché des drogues produit la violence et le crime. Les consommateurs de drogues, criminalisés par la loi, restent enfermés dans un monde obscur dont ils ne peuvent plus sortir sans risquer une peine de prison. Linterdiction crée donc le crime et la délinquance (voir LA GUERRE À LA GUERRE À LA DROGUE, le QL, no 47).
Au coût supporté par les citoyens correspond un bénéfice pour les hommes de lÉtat. La lutte contre la drogue donne une apparente légitimité à leur intervention. Les mafias, qui disparaîtraient avec la cause qui leur donne naissance (la prohibition), sont aussi la bonne occasion de voter des lois visant à contrôler les individus, daccroître les moyens et les budgets des bureaucraties policières, et enfin de convaincre les électeurs que lÉtat les protège contre le crime.
La légalisation de la drogue est une mauvaise affaire pour les hommes de lÉtat. Il ne faut pas voir ailleurs la raison de ces discours vertueux de politiciens et dexperts en service commandé qui confondent le Droit et leur morale privée.