Traduction personnelle.

 

Article paru le 16 avril 2003 dans le Taipei Times (Taiwan)

Webpage: http://www.taipeitimes.com/News/edit/archives/2003/04/16/202300

Copyright: 2003 The Taipei Times

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Details: http://www.mapinc.org/media/1553

Author: Emma Bonino

Note: Emma Bonino est membre du Parlement européen, ex-commissaire

européenne et membre éminente du Parti Radical Transnational

http://www.radicalparty.org/welcome2.html

 

Le temps est venu d'un cessez-le-feu dans la guerre contre les drogues

Le monde doit développer une approche différente pour combattre le trafic de drogues avant que nous devenions tous dépendants de la stratégie prohibitionniste perdante menée par l'ONU.

Par Emma Bonino

 

Le monde entier a focalisé son attention sur la guerre contre l'Irak. Mais une autre guerre -- cautionnée, elle, par l'ONU -- a été menée simultanément : la guerre contre les drogues. Selon moi, chaque personne sensée devrait désirer tout autant voir s'achever cette guerre largement ignorée. Comme les Nations Unies doivent jouer un rôle pour conduire l'Irak vers une société démocratique et libre, elles doivent aussi changer radicalement leur propre parcours dans la guerre contre les drogues et conduire le monde vers une politique plus saine.

En 1988, pour célébrer le dixième anniversaire de l'adoption de la troisième Convention sur les psychotropes et stupéfiants, l'ONU a convoqué une séance spéciale de l'Assemblée générale pour débattre du problème des drogues illicites. À la fin de ce forum, les Etats membres ont adopté une déclaration politique qui mandatait le Programme de contrôle des drogues de l'ONU (UNDCP) pour "développer des stratégies ayant pour objectif d'éliminer ou réduire de manière significative les cultures illicites de plants de coca, de cannabis, de pavot à opium d'ici à l'année 2008."

Ces jours-ci (16 et 17 avril) la communauté internationale va se réunir à nouveau à Vienne pour réfléchir aux résultats des politiques que l'ONU a poursuivies. Mais en cinq ans d'application de ce programme, une chose est claire : les résultats sont catastrophiques. Selon un rapport de l'UNCDP paru l'an dernier, intitulé Drogues illicites : tendances, les nouveaux marchés des drogues s'étendent beaucoup plus rapidement que les anciens ne sont démantelés. Les trafiquants de drogues, comme des hommes d'affaires partout à l'affût, se sont déplacés et ont trouvé d'autres marchés. Les pays de l'Est (le monde post-communiste de l'Europe et les riches pays d'Asie) consomment de plus en plus de drogues, parce que les anciens marchés d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord sont saturés.

À travers le monde, le trafic de stupéfiants est en pleine croissance, non seulement à cause de l'existence de nouveaux marchés, mais aussi parce que de nouveaux pays se consacrent à la production. De plus, de nouvelles drogues synthétiques et chimiques, beaucoup plus puissantes et parfois moins chères que les drogues "classiques", sont mises au point. Il est temps de comprendre que la "guerre contre les drogues" est perdue -- il s'agit en réalité d'un échec monumental -- et que les hostilités doivent cesser.

Chaque aspect de cette stratégie guerrière a raté. Les nouvelles lois répressives de nombreux Etats ont non seulement échoué à contrôler la dispersion des drogues partout dans le monde, mais ont favorisé de vastes et nouvelles intrusions dans la vie de millions de personnes. La prohibition a fourni un prétexte à des régimes autoritaires pour s'opposer à l'abolition de la peine de mort ; tandis que même les Etats qui exécutent des personnes pour des crimes liés aux drogues n'ont pas été capables d'en endiguer le flot. Pour échapper aux nouvelles législations répressives en place, les mafias des drogues ont scellé des alliances encore plus fortes avec les réseaux terroristes.

Le monde a-t-il les moyens de continuer à subventionner cette faillite ? Faut-il que notre argent soit gaspillé encore longtemps en fumigations des vallées colombiennes ou par des arrestations pour des infractions non violentes à la législation sur les stupéfiants ? Pouvons-nous -- en incluant les élus dans ce "nous" -- prétendre que la prohibition des drogues illicites prouvera un jour son efficacité ?

La réponse à toutes ces questions, bien sûr, est : "non, nous ne le pouvons pas". En revanche, nous devons reconnaître que la prohibition, plutôt que de restreindre l'usage, génère le crime, parce qu'elle transforme le trafic illicite de drogues en un commerce lucratif. Et comme partout, les hommes politiques répugnent à être considérés comme "laxistes" vis-à-vis des drogues, quelque chose doit être fait pour attirer l'attention sur cet échec sans remords. Une tactique employée par quelques-uns des membres de mon parti, le Parti Radical Transnational, en France, Belgique, Angleterre et Italie, a consisté à se "dénoncer eux mêmes" aux autorités puis à désobéir aux lois prohibitionnistes en distribuant des drogues aux passants lors de manifestations publiques. En invitant ouvertement la police à incarcérer autrement de membres respectables de la société, ces activistes ont souhaité montrer l'absurdité de ces lois répressives anti-drogues.

Ces actions non-violentes de désobéissance civile à la manière de Gandhi ont eu une conséquence. Récemment, 109 membres du Parlement européen ont introduit une recommandation appelant à une réforme des Conventions de l'ONU sur les drogues. Une Ligue Antiprohibitionniste Internationale est désormais à l'oeuvre, appelant à une abrogation ou un amendement aux traités de l'ONU dans le but de permettre des expérimentations nationales de légalisation.

Lors de la réunion de la Commission sur les stupéfiants, en avril, les Etats-membres de l'ONU auront l'occasion de réévaluer l'efficacité du Plan d'action de 1998. Mais malheureusement, cette faillite bien réelle à remplir ou approcher, où que ce soit, les objectifs affichés, n'est pas parvenue à l'esprit des gouvernements nationaux.

Or, fermer les yeux devant un tel échec ne fait qu'accroître son coût. Tant que les mandats anti-drogue de l'ONU resteront en place, la légalisation des traitements, des soins et des drogues aujourd'hui illégaux demeureront impossibles -- et souvenons-nous que ce fut uniquement l'abolition de la Prohibition qui mit fin au règne d'Al Capone dans les années 20.

La conférence de Vienne offre une occasion de modifier cette trajectoire. Au lieu de s'obstiner à réitérer nos échecs, le monde a besoin d'adopter de nouvelles approches qui traitent les problèmes liés à l'usage de drogues, plutôt que de les criminaliser. Sinon, nous resterons tous dépendants de cette guerre perdue contre les drogues.

 

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Pubdate: Wed, 16 Apr 2003

Source: Taipei Times, The (Taiwan)

Webpage: http://www.taipeitimes.com/News/edit/archives/2003/04/16/202300 Copyright: 2003 The Taipei Times

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Author: Emma Bonino

Note: Emma Bonino is a member of the European Parliament, a former EU commissioner and a prominent member of the Transnational Radical Party.

 

IT'S TIME FOR A CEASEFIRE IN THE LARGELY IGNORED WAR ON DRUGS

 

The world must develop a different approach to combating narcotics trafficking before we all become addicted to the UN's failed strategy of prohibition

By Emma Bonino

 

 

Wednesday, Apr 16, 2003,Page 9 The world's attention has been focused on the war on Iraq. But another war -- this one UN-sanctioned -- has been going on simultaneously -- the war on drugs. In my view, every sensible person should want this largely ignored war to end as well. While the UN should play a role in leading Iraq toward a free and democratic society, it must also change dramatically its own course in the war on drugs and lead the world to a saner policy.

In 1998, to celebrate the 10th anniversary of the adoption of the third Convention on Narcotic and Psychotropic substances, the UN convened a special General Assembly session to discuss the issue of illicit drugs. At the end of that forum, UN member states adopted a political declaration that mandated the UN Drug Control Program (UNDCP) "to develop strategies with a view to eliminating or significantly reducing the illicit cultivation of the coca bush, the cannabis plant, and the opium poppy by the year 2008."

Today and tomorrow the international community will reconvene in Vienna to reckon with the results of the policies the UN has pursued. But five years into the program, one thing is clear -- the results are grim. According to a UNDCP report issued last year, Illicit Drug Trends, new markets for narcotics are expanding faster than old ones are being shut down. Drug dealers, like sharp businessmen everywhere, have gone out and found new markets. Eastern countries (the postcommunist world in Europe and the richer countries of Asia) are consuming more and more drugs, because the older markets of Western Europe and North America are saturated. Across the world, narcotics trafficking is on the increase, not only because new markets are coming online, but also because new countries have taken up production. Moreover, new synthetic and chemical substances, which are more potent and often less expensive than the "classic" ones, are being invented. It is time to acknowledge that the "war on drugs" is lost -- indeed, a monumental failure -- and that hostilities should end. Every aspect of the war strategy has failed. Harsh new domestic laws in many countries have not only failed to control the spread of drugs throughout the world, but have delivered a vast new source of state intrusiveness into the lives of millions of people. Prohibition created a pretext for authoritarian regimes to resist the abolition of the death penalty; yet even states that execute people for drug-related crimes have not been able to stem the tide. To circumvent the harsh legal regime now in place narcotics mafias have forged ever-tighter alliances with terrorist networks.

Can the world afford to continue subsidizing this failure? Can our money be wasted for much longer on fumigating Colombian valleys or arresting non-violent drug offenders? Can we -- including those of us who are elected officials -- pretend that prohibitions on illicit drugs will one day prove effective?

The answer to all these questions, of course, is: "No, we cannot." Instead, we must recognize that prohibition, rather than curtailing use, generates crime, because it makes trading in illicit drugs a lucrative business. As politicians everywhere remain loath to be seen as "soft on drugs," something must be done to call attention to this remorseless failure. One ploy taken up by some members of my Transnational Radical Party in France, Belgium, the UK and Italy has been to "denounce themselves" to their national authorities and then to disobey the prohibitionist laws by distributing drugs to passers-by during political demonstrations. By openly inviting the police to jail otherwise respected members of the community, these activists hope to show the absurdity of harsh anti-drug laws. These Gandhian acts of non-violent civil disobedience have had an effect. Recently, 109 members of the European Parliament introduced a recommendation calling for reform of the UN Conventions on drugs. An International Anti-Prohibitionist League is now at work, calling for repeal or amendment of the UN treaties in order to allow for experimentation with legalization by individual nations.

At the upcoming Commission on Narcotics meeting in April, UN member states will have an opportunity to reassess the effectiveness of the 1998 Plan of Action. Sadly, however, the reality of its failure to come anywhere close to achieving its stated goals has not dented the minds of national governments. But turning a blind eye to failure only increases its cost. So long as the UN anti-drug mandates remain in place, legalization of treatments, cures and drugs that today are illicit -- and recall that it was the end of prohibition alone that ended the reign of gangsters like Al Capone in the 1920s -- will remain impossible.

The Vienna meeting offers an opportunity to change course. Instead of insisting on replicating our failures, the world needs to adopt new approaches that treat the disease of drug use, instead of criminalizing it. Otherwise, we will all remain addicted to a failed drug war.

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