17 avril 1999

 

BERNE (AP) -- L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu, dans un rapport d'experts rendu public vendredi à Berne, les effets positifs de la prescription médicale d'héroïne.

Le rapport a été présenté vendredi devant la presse par la présidente de la Confédération Ruth Dreifuss et par le directeur de l'Office fédéral de la santé publique Thomas Zeltner. Mme Dreifuss ouvrait ainsi la campagne en perspective de la votation du 13 juin prochain sur l'arrêté fédéral urgent concernant la prescription médicale d'héroïne. Cet arrêté fixe les modalités de l'assistance aux plus marginaux des toxicomanes, ceux qui ont échoué dans toutes les autres formes de thérapie.

La prescription médicale d'héroïne est une forme de thérapie parmi d'autres. Elle ne concerne que 10% environ des 30.000 toxicomanes que compte la Suisse. Des programmes de prescription médicale d'héroïne existent dans 13 villes et un établissement pénitenciaire. Avec l'arrêté fédéral urgent, le nombre des toxicomanes qui peuvent suivre un traitement ne sera plus limité, mais des critères très stricts ont été fixés, de sorte que leur nombre ne dépassera probablement pas les 10%.

Selon la présidente de la Confédération, les effets positifs du traitement à l'héroïne sont démontrés. L'état de santé des toxicomanes qui ont participé aux essais de prescription médicale d'héroïne, ainsi que leur situation sociale et personnelle, se sont grandement améliorés. Il n'y a eu aucun décès par overdose et les cas de délinquance ont sensiblement diminué.

De nombreux pays s'engagent aujourd'hui sur la même voie que la Suisse. Les Pays-Bas connaissent aussi la prescription médicale d'héroïne. L'Allemagne, l'Espagne, le Danemark, l'Australie et le Canada discutent de la possibilité de procéder à des essais, a rappelé la chef du ministère fédéral de l'Intérieur.

Les résultats positifs de l'évaluation scientifique des essais de prescription médicale d'héroïne pour la période 1994-1996 sont confirmés par le rapport d'experts de l'OMS. Ses conclusions appuient celles de l'étude suisse, à savoir que les injections d'héroïne, dans des conditions sévèrement contrôlées et conformément aux règles d'hygiène les plus strictes, sont réalisables d'un point de vue médical. L'état de santé des participants à ces essais s'est amélioré, de même que leur intégration sociale. Les comportements criminels ont diminué ainsi que l'usage illicite d'héroïne.

Mais les experts de l'OMS relèvent que les essais suisses ne sont pas en mesure de déterminer si les améliorations constatées sont dues à la prescription d'héroïne elle-même ou si elles résultent de l'ensemble du programme de traitement, qui implique, outre les médecins, des thérapeutes et des travailleurs sociaux.

Si l'arrêté fédéral, qui crée la base légale nécessaire à la prescription médicale d'héroïne, était rejeté le 13 juin, le traitement des quelque 860 personnes intégrées actuellement dans un programme serait interrompu. Bon nombre d'entre elles

retourneraient à la rue et entreraient à nouveau dans le circuit du trafic pour se procurer de la drogue.

Leur état de santé en souffrirait évidemment et les fameuses scènes ouvertes de drogue pourraient resurgir, ainsi que la criminalité qui leur est liée, craint Ruth Dreifuss, qui demande à la population de soutenir la politique de drogue menée par la Confédération et de voter oui à l'arrêté fédéral urgent.