Seule la fin de lémission a été retranscrite.
Voix off M6 : le hash, vous voulez en savoir plus ? Ne zappez pas.
Extrait de "Planète Bleue",1982 Laurent Broomhead
LB [visage caché derrière plant] : Le cannabis : cette herbe elle vient dAfrique, elle vient des Indes , elle vient de nombreuses parties du monde, là aussi cest un perturbateur, on a toutes les formes, ici (sur table : herbe séchée, fraîche...) Lherbe, donc, que vous voyez [gros plan sur fleurs séchées ; savonnettes derrière] il y a un stick qui vient des Indes [il montre une longue barrette noire cylindrique], il y a 350 appellations différentes [voix off M6 : Oh mon Dieu !] du cannabis, et on peut se demander si cest une drogue dangereuse. Eh bien en fait, le lieu commun voudrait quon dise pas tellement, et ci fait, vous imaginez lobjet dune controverse considérable. Seulement, les statistiques montrent que dans 5% des cas, des gens qui ont pris ces produits prennent dautres produits beaucoup plus dangereux par la suite. 5% ce nest peut-être pas beaucoup, mais cest énorme quand on pense à ce qui va leur arriver.
Voix off M6 : Eh oui la télé veut nous informer certes, mais elle veut surtout nous sensibiliser, nous effrayer, même : le hasch, cest toxique, la télé et la science le prouvent. Professeur cest à vous
Extrait du Journal télévisé, 1984
Voix off JT : il existerait en France un million de fumeurs de haschich. Depuis dix ans le Professeur Nahas et les savants de lInserm étudient la toxicité du haschich. Cette plante contient une substance psychoactive, le THC, tétra-hydro-cannanol [sic], extrêmement dangereuse. [plans sur homme en blouse blanche devant microscope, gros plan microscope, plan rapproché feuille sortant dune imprimante, GP flacon entre doigts]
M Desoize, pharmacologue : on a noté une diminution du nombre de spermatozoïdes voire une impuissance chez lhomme, et, chose qui est peut-être encore plus dangereuse que limpuissance, des spermatozoïdes anormaux chez les utilisateurs de haschich.
Présentatrice M6 : Et puis dans les années 90, fumer du cannabis cest toujours interdit par la loi. Mais on ne se cache plus vraiment pour dire quun jour on a posé ses petites lèvres [sic!]... sur un peu dherbe.
Voix off M6 : Les années 90 ouvrent le débat : faut-il ou non dépénaliser le H et autre marijuana ? La France est une fois de plus divisée en deux.
Extrait de l'émission "Français, si vous saviez" dAndré Bercoff 1993
Invité : Faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles ! Le haschich na jamais tué personne !
A Bercoff, présentateur, debout dans le public (à côté de JP Galland :) ) : attendez ! Dans le cas..., quest-ce que vous voulez... quest-ce quil faut faire ?
Invité : Alors moi comme avocat, jai participé, avec Francis Caballero, à créer un mouvement, parce que je pense que la prohibition nest pas un bon moyen. La preuve en est, ça a foiré ! Si ça navait pas foiré, on serait pas là !
Robert Broussard (Directeur chargé auprès du Directeur Général de la Police Nationale de la Lutte contre lusage et le trafic de stupéfiants) : Moi je pars du principe très simple que les drogues, quelles quelles soient, sont des poisons, et une société qui se respecte na pas à contribuer, dune façon ou dune autre, à la distribution de ces poisons [voix off M6 : Non mais !]
Voix off M6 : Le débat reste ouvert, de plus les stars nhésitent plus à afficher leur sympathie envers le pétard
Bouillon de culture, France 2, pas de date
Bernard Pivot : Mathieu Kassovitz, acteur et réalisateur, comme acteur vous avez obtenu le César du meilleur jeune comédien pour votre rôle dans Regarde les hommes tomber de Jacques Audiard [ ] Alors bon, pendant quon passait ce film, jai reçu un coup de téléphone de vice-président dune société anti-drogue et qui proteste contre votre casquette, qui... parce quelle représente ?...
MK : Une feuille de cannabis.
BP : Une feuille de cannabis. Bon, alors vous voulez la garder, lenlever ?
MK : Non en fait je la garde parce que je ne vois pas, je ne vois pas ce que ça viens foutre là.
Voix off M6 : Les pro-hasch sont de plus en plus nombreux et même si cest toujours interdit par la loi, les sportifs de haut niveau eux aussi se laissent aller à la cigarette qui fait rigoler. Du coup la polémique bat son plein.
Polémiques, France 2, 1996
Yannick Noah : Je suis un peu gêné de voir que certains sportifs qui ont fumé un joint tout dun coup se retrouvent suspendus, peuvent plus travailler pendant une certaine période, je trouve ça complètement démesuré.
Professeur Jean-Paul Escande, pdt. commission nationale lutte contre le dopage : Alors je vais vous dire, nimporte quel produit qui modifie la tête peut agir chez des personnes avec des effets complètement opposés, et donc vous ne pouvez pas imaginer...
YN : on ne parle pas de produit, on parle de cannabis, ne mélangez pas tout, ne commencez pas à me mélanger lamalgame, on parle dun joint, un joint ne fait pas du bien pour aller faire du sport
JPE : ah ben voilà, le professeur de pharmacologie Monsieur Noah, nous dit...
YN : Non, le fumeur de joints vous parle.
Présentatrice M6 : Bon ben voilà, notre voyage à travers la ptite lucarne et le H est terminé, pour lheure place à la télé daujourdhui. Bye bye [en montrant avec des mimiques ironiques le panneau H Hôpital à côté]
Vu à la télé, M6, production Séverine Bouvier & Frédéric Mercier, 5/11/2000.
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Je relis ceci en ce 3 juin 2003. Mon commentaire :
Voilà donc comment M6, cette chaîne dite "pour les jeunes", "traitait" le sujet il y a 3 ans ; "maltraitait", devrait-on dire.
En effet, à s'obstiner à ne pas vouloir (savoir?) saisir sérieusement les enjeux réels de la prohibition du chanvre (1), en se contentant, sans doute par "jeunisme" (maladie infantile de la télé, surtout M6), d'un traitement superficiel et résolument anecdotique, où le manichéisme triomphant oppose les "pro-hash" (sic) aux "antis", où le souci de neutralité journalistique (surtout ne pas prendre parti !) conduit à répéter que "le débat est ouvert", comme s'il suffisait de le dire pour que cela le devienne (et comme si la définition même du nécessaire débat de société correspondait un tant soit peu à celle de la télé et ses talks-shows)... le relativisme règne et le lieu commun l'emporte sur la connaissance, basée sur des faits.
Il est certes difficile de mesurer l'importance des diverses sources d'influences de l'opinion publique, mais des émissions comme celle-ci ont sûrement bien plus participé à cette "banalisation" dont on nous rebat aujourd'hui les oreilles, que le discours prétendument "pousse-à-la-consommation" des associations comme le Circ.
Paradoxe affligeant : dans un retournement de veste schizophrénique, ces mêmes chaînes nous "vendent" aujourd'hui sans vergogne le point de vue excessif opposé : la diabolisation du chanvre.
Qu'importe si les questions mal posées, le vocabulaire mal défini et les enjeux non compris ont rangé la réflexion dans l'impasse : seuls importent le spectacle et la mise en scène du thème transformé en objet médiatique.
The show must go on !
L'émission de ce soir va-t-elle me contredire ? (émission Ça me révolte : "Cannabis, la grande hypocrisie", M6)
(1) Ce qui est valable pour ce thème l'est tout autant pour bien d'autres.