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Le Monde Diplomatique - JANVIER 2001page 19

 

 

Toute la coca du Pérou

 

Par MAURICE LEMOINE

 

Dans son rapport annuel, en octobre 1998, le Programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues (Pnucid) se félicitait des succès remportés dans les pays andins, Bolivie et Pérou. Il est vrai que la politique péruvienne - abattre les avions suspects et couper le pont aérien permettant le transfert de la coca et de la pâte base (première étape de la transformation en cocaïne) vers la Colombie - a eu des effets. De même que l'implication de la Drug Enforcement Administration (DEA, organisme antinarcotique américain). Mais elles n'expliquent pas tout. Surtout pas l'essentiel.

Au début des années 1990, le Pérou paysan cultive plus de 150 000 hectares de coca. Les narcos de ce pays ne constituent alors en rien des groupes organisés, exportant directement, à l'aide de structures propres, vers l'Europe ou les Etats-Unis. Ils fournissent simplement la matière première au cartel de Cali (Colombie), qui se charge de la transformer et de la commercialiser. En 1994-1995, cette mafia colombienne, sous pression gouvernementale et internationale, décide de négocier sa reddition. Le 6 août 1995, l'arrestation de M. Miguel Rodriguez Orejuela, son numéro deux, la désarticule définitivement. « Elle achetait au Pérou 60 % de sa production, rappelle, à Bogotá, M. Ricardo Vargas, d'Action andine, plate-forme régionale pour la recherche d'alternatives pacifiques au narcotrafic et à sa répression. Les prix s'effondrent dans ce pays. Et c'est à ce moment, et à ce moment seulement, que la production diminue. »

A cette époque, en effet, la structure du narcotrafic se « démocratise ». En Colombie, aux conglomérats (cartel de Medellin, cartel de Cali) se substitue une multitude de groupes diffus, plus difficiles à détecter et à contrôler, plus souvent équipés de téléphones satellitaires et d'ordinateurs portables que de pistolets et de fusils. Ce sont eux qui, pour des raisons logistiques, rapatrient la production de coca péruvienne en Colombie. Expliquant la drastique réduction des cultures ici (plus que 50 000 hectares en 2000) et son augmentation exponentielle là. Autrement dit, au pays de M. Alberto Fujimori (aujourd'hui au Japon), ce n'est pas, fondamentalement, la répression menée contre les paysans, encore moins les programmes de cultures de substitution qui ont réduit les surfaces cultivées, mais le démantèlement, au plus haut niveau, d'une grande organisation mafieuse. Et le changement de stratégie de celles qui lui ont succédé.

 

 

 

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