La Colombie cherche une aide internationale pour sortir de la « sale guerre »

Marie Delcas, Le Monde daté du 23 septembre 1999

 

Le président Andrés Pastrana, à Washington, a présenté son plan pour tenter de rétablir la paix et l'activité économique, dans un pays livré quotidiennement à la violence. Alors que les pourparlers avec la guérilla sont dans l'impasse, la situation des droits de l'homme empire

BOGOTA de notre correspondante

 

Le président de la République de Colombie, Andrés Pastrana, a présenté, mardi 21 septembre, à Washington, son « Plan pour la paix, la prospérité et le renforcement de l'Etat ».

Le gouvernement colombien espère que ce plan, dont le coût annoncé est de 7,5 milliards de dollars (environ autant d'euros), lui permettra d'obtenir, au cours des trois années à venir, 3,5 milliards de dollars d'aide de la communauté internationale et en particulier des Etats-Unis. Le processus de paix avec la guérilla et la lutte contre le narcotrafic constituent les principaux axes de la stratégie gouvernementale présentée aux Etats-Unis.

Mardi soir, M. Pastrana s'est déclaré « très satisfait » de son entretien avec Bill Clinton à New York. Il doit maintenant convaincre le Congrès américain de la cohérence de son action et de la viabilité de sa politique de paix. Dans un communiqué publié dimanche 19 septembre, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) - principal mouvement de guérilla du pays - ont vivement critiqué le chef de l'Etat, soupçonné de préparer une intervention américaine sous couvert de la lutte contre le trafic de drogue.

« Nous sommes convaincus que si nos problèmes et nos stratégies sont mieux connus à l'étranger, nous obtiendrons la coopération efficace des nations amies », a déclaré, vendredi 17 septembre, le président de la République. Personne n'est donc dupe : le plan présenté par le gouvernement colombien a été rédigé sous la pression et avec la collaboration directe des Etats-Unis. Le 17 août, le sous-secrétaire d'Etat, Thomas Pickering, a été très précis : sans « stratégie unique, claire et cohérente », les Etats-Unis ne débloqueraient pas de fonds.

  COOPÉRATION MILITAIRE

« Plan Washington » titrait, dimanche, El Tiempo, le principal quotidien du pays. Le document de trente pages élaboré par les services de la présidence de la République annoncent les cinq volets de l'action gouvernementale : ajustement économique, processus de paix, renforcement du système judiciaire, consolidation des mécanismes démocratiques et lutte intégrale contre le narcotrafic. Les ambitions sont bien définies, mais les moyens très sommairement expliqués.

C'est sur le thème de la drogue que se jouera l'appui des Etats-Unis, alors que le gouvernement Pastrana cherche à convaincre son puissant voisin que le succès de la lutte contre le trafic de drogue passe d'abord par la résolution du conflit armé. Tout en demandant à son homologue américain une aide globale, le plan colombien fait toutefois la part belle à la coopération militaire pour la dotation en équipement et la restructuration des forces armées. Il était donc à prévoir que la guérilla réagirait.

Depuis trois mois, les négociations entre gouvernement et guérilla sont dans l'impasse. Dimanche, un communiqué du secrétariat national de l'état-major des FARC a rendu le gouvernement responsable de la « suspension indéfinie du dialogue engagé » et a dénoncé « son attitude guerrière, susceptible de déboucher sur une guerre civile aux conséquences imprévisibles ». La liste des griefs de la guérilla est longue : la commission d'accompagnement est jugée inacceptable, le gouvernement est accusé de ne pas avoir obtenu de résultats probants dans la lutte contre les paramilitaires, de ne pas avoir résolu « les problèmes sociaux des pauvres » et de ne pas avoir fait voter une loi d'échange des prisonniers.

Le communiqué dénonce également l' « alliance connue de Pastrana avec les Etats-Unis pour intensifier la guerre » et qualifie le combat contre le narcotrafic de « sophisme de distraction ». Le chef de l'Etat colombien aura du mal à convaincre le Congrès américain que le processus de paix est sur la bonne voie.