NARCOTRAFIC

Le «plan Colombie» est-il la solution ?

L'urgence pour la Colombie est de sortir d'une guerre civile qui fait plus de 30 000 victimes par an. Or la composante militaire du «plan Colombie» de lutte contre le trafic de drogues suscite de sérieux doutes parmi les pays donateurs.

Christine Lévêque, Courrier international, 3 novembre 2000

 

 

Le «plan intégral de lutte antidrogue», mis au point par le président colombien Andrés Pastrana l'an dernier, prévoit un investissement total de 7,5 milliards de dollars sur six ans. 4 milliards sont apportés par la Colombie qui espère obtenir le reste des fonds grâce à l'aide internationale. Le Plan veut renforcer les moyens de l'armée colombienne dans sa lutte contre la guérilla. Il inclut aussi l'éradication des champs de coca et la mise en place de cultures de substitutions, ainsi qu'une aide humanitaire pour les 2 millions de personnes déplacées par les conflits. Très critiquée, la proposition a cependant obtenu le soutien financier des Etats-Unis à hauteur de 1,3 milliard de dollars. L'Union européenne s'est engagée à apporter 300 millions de dollars, uniquement destinés aux volets sociaux du Plan. Mais seule l'Espagne, avec 100 millions de dollars, a concrétisé son offre.

 

Il faut dire que la guerre contre les trafiquants de drogue colombiens, déclarée il y a plus de dix ans par les Etats-Unis (consommateurs de 90 % de la cocaïne colombienne), s'est jusqu'à présent soldée par un échec. A peine démantelés, les cartels de Medellín et de Cali ont été immédiatement remplacés par d'autres groupes. Les guérillas d'obédience marxiste (les FARC et l'ELN) organisent des enlèvements de civils pour obtenir des rançons - c'est désormais leur principale activité. Quant aux groupes paramilitaires d'extrême droite, très impliqués dans le narcotrafic et engagés par l'armée et les grands propriétaires terriens pour combattre la guérilla, ils contrôlent 40 % du territoire. Ces milices sont responsables, selon le quotidien colombien «Los Tiempos», de trois-quarts des atrocités qui frappent la population. Plusieurs gouvernements européens et latino-américains, ainsi que les principales organisations internationales de défense des droits de l'Homme, reprochent au «plan Colombie» sa trop grande militarisation. Il ne ferait, en effet, que déplacer les conflits et les trafiquants d'une région vers une autre ou les repousser hors des frontières du pays. C'est donc toute la région qui observe avec nervosité l'escalade de la violence en Colombie. Selon le quotidien équatorien «El Comercio», l'Equateur, qui subit les incursions des guérillas dans ses provinces limitrophes, a déployé plus de 5 000 hommes armés. Le gouvernement panaméen vient, quant à lui, d'autoriser des achats d'armement à hauteur de 3 millions de dollars afin de protéger ses frontières. Enfin, «La Folha de São Paulo» rapporte que le Brésil, qui partage 1644 kilomètres de frontière avec la Colombie, se prépare à une guerre totale en Amazonie.

 

Les détracteurs du «plan Colombie» lui reprochent essentiellement de prendre uniquement pour cible la guérilla marxiste, et de n'exercer aucun contrôle sur les paramilitaires. L'élément le plus critiqué est l'intensification de la destruction des cultures de coca, qui risque de mener tout droit à une «véritable guerre biologique», dénonce «Los Tiempos». En effet, les défoliants utilisés pour détruire les plantations sont loin d'être inoffensifs. L'épandage par avion de glyphosate, herbicide puissant, affecte aussi les cultures vivrières. Par ailleurs, les Etats-Unis entendent tester un autre procédé : la dissémination d'un champignon pathogène, le fusarium oxysporum, qui détruit sélectivement la coca. Mais ce procédé est contesté par plusieurs ONG scientifiques qui relèvent que le fusarium est très toxique pour les humains. De plus, son usage enfreindrait la Convention internationale sur les armes biologiques. Certains proposent des solutions alternatives : «Si Clinton voulait sérieusement trouver une solution au conflit colombien, analyse le «Nuevo Herald» de Miami, il pourrait conditionner le versement de l'aide militaire à des progrès concrets dans le domaine des droits de l'Homme.» Quant au Congrès de Washington, il a réclamé plusieurs mesures, comme la suspension des officiers de l'armée colombienne accusés d'exactions, et le jugement des chefs des groupes paramilitaires impliqués dans le narcotrafic.

 

 

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