COLOMBIE

Elections propres

sur fond de guerre sale

Le mardi 31 octobre 2000

Antanas Mockus, nouveau maire de Bogotá. La photo a été prise en 1996 au cours d'une précédente campagne (AFP)

Le quotidien colombien “El País” fait bien entendu allusion à “ceux qui utilisent les armes pour imposer leur volonté”, mais aussi au “cancer de la corruption qui ronge les arcanes du pouvoir et la crédibilité de l’Etat”. Pour le quotidien de Calí, la troisième ville du pays, seul “un vote libre et responsable” permettra “aux citoyens de vaincre ces deux ennemis”. Le message a été bien reçu et, malgré un taux d’abstention parfois supérieur à 50 %, les élections du 29 octobre se sont déroulées dans le calme et ont surtout réservé aux hommes politiques colombiens quelques mauvaises surprises.

C’est notamment le cas pour le Parti conservateur du président Andrés Pastrana, qui, selon “El Tiempo”, “a pratiquement disparu du paysage politique dans la plupart des grandes villes et des départements du pays”. Les quotidiens font d’ailleurs assaut de superlatifs pour qualifier “la chute de la maison conservatrice” et, à l’image du quotidien “El Espectador”, tous y voient “un désaveu pour la politique du président actuel”. A “l’échec retentissant des conservateurs” correspond “la victoire des libéraux”, qui conquièrent “15 des 30 départements en jeu et remportent 13 capitales provinciales”. Mais les quotidiens du pays reviennent surtout sur la victoire du candidat indépendant Antanas Mockus à la mairie de Bogotá, la capitale du pays. Ce Colombien d’origine lituanienne est avant tout un universitaire. Francophile, il est passé par le lycée Pasteur, le lycée français de la capitale, et a fait une partie de ses études à Dijon. Mais Antanas Mockus est avant tout un revenant. Maire libéral de Bogotá entre 1995 et 1997, il se représentait cette fois en candidat indépendant. Il a remporté la capitale avec plus de 10 points d’avance sur María Emma Mejía, ex-chancelier du pays et leader de la gauche locale.

Pour l’éditorialiste de “El Tiempo”, au-delà de la victoire d’Antanas Mockus, c’est surtout la “valeur d’exception” de cette élection “dans un pays gagné par le pessimisme généralisé” qui reste la leçon principale. “Les deux candidats représentaient, en effet, une vraie alternative politique.” Car si “María Emma est une battante” qui a conduit “sa carrière avec brio”, “Antanas Mockus a imposé pour sa part, une manière novatrice de faire de la politique”. La première défendait “une politique sociale, indispensable dans une ville où les énormes inégalités menacent la paix civile”. Quant au vainqueur, sa campagne “s’est concentrée sur les mécanismes de participation citoyens”. Et même si “Bogotá a besoin de solutions urgentes au drame du chômage et de la pauvreté”, c’est Antanas Mockus qui l’a emporté, et de beaucoup. Quant à “l’ambiance de fête démocratique que vivait la ville”, elle a à peine “été troublée par le rapt d’un assesseur” dans un bureau de vote provincial. Il faut dire que l’enlèvement politique et le racket sont un sport national dans un pays où sévissent à la fois les guérillas marxistes les plus anciennes de la planète, les FARC et l’ELN, et les groupes paramilitaires d’inspiration mafieuse qui les combattent.

 

 

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