Socialisme réel contre paradis artificiels

par Abel Segrétin (à Pékin) et Jul

Charlie Hebdo du 8 juin 2005 n°677, p.7

 

Après les sectes et la pornographie, c'est désormais contre la drogue que les autorités chinoises ont lancé une « guerre populaire sur tous les fronts ». Officiellement, la Chine compte un peu moins de 800.000 drogués, toutes substances confondues. Il y en a en réalité beaucoup plus, car il ne s'agit que de ceux qui ont été interpellés ou qui ont été sevrés. En ville, les consommateurs sont plutôt des jeunes qui prennent de l'ecstasy, de la cocaïne ou qui fument des pétards. À la campagne (un tiers des consommateurs !) et dans les petites villes, c'est l'héroïne qui domine, chez des personnes d'âge moyen. L'opium, lui, a quasiment disparu. Depuis quelques semaines, les médias parlent chaque jour de cette campagne dont l'objectif est de faire du chiffre : un maximum d'arrestations, de descentes et de discours dans les écoles. Il faut dire qu'il y a du pain sur la planche : un collégien shangaïen sur trois qui ne « considère pas » la cocaïne comme étant un narcotique... Le ton médiatique de cette "guerre" a d'abord été victorieux. Mais, depuis peu, des voix s'élèvent, y compris dans la presse officielle, contre « ce gaspillage de ressources sans résultat à long terme ». À Pékin, une descente spectaculaire de deux cents policiers armés dans un quartier a permis la saisie de 150 grammes de haschich et de 15 grammes d'héroïne seulement. Autre mesure autoritaire sans grand effet, un nouveau règlement qui vient d'être instauré dans la capitale : tous les consommateurs doivent s'enregistrer au commissariat le plus proche, pour qu'on les « aide » à arrêter de se droguer. Les consommateurs qui ne se déclarent pas sont considérés coupables et envoyés en camp de travaux forcés. Jusqu'à présent, une seule personne s'st déclarée d'elle-même à la police, les autres ayant été dénoncées. Faute de suivi médical ou psychologique approprié, le sevrage forcé tel qu'il est pratiqué présente évidemment un inconvénient : énorme taux de récidive. D'autre part, aucune information objective sur les substances illicites n'est diffusée, si bien que les autorités (et souvent les consommateurs) ne font pas la distinction entre les différentes substances. L'alcool reste par contre parfaitement autorisé, y compris sa publicité au bord des autoroutes. La campagne actuelle de prévention routière, reprenant le slogan « boire ou conduire », est sponsorisée par une marque de bière...

 

Dessin humoristique de Jul

Un fumeur de cannabis chinois : "des quotas textiles sur le chanvre ? Trop le bad trip, man..."