Narcoterreur à Rio

Un caïd de la drogue détenu a ordonné une série d'attaques.

mercredi 26 février 2003

 

«Tant que nous ne serons pas traités avec respect, nous ne cesserons pas de provoquer le chaos dans cette ville.» Tract du CV, un gang lié au narcotrafic  

Sao Paulo de notre correspondante

 

Une fois de plus, les caïds de la drogue ont semé la terreur, lundi à Rio, alors que les touristes commencent à affluer dans la «ville merveilleuse», où, vendredi, débute le carnaval. Malgré un important déploiement policier, les violences, qui ont également touché cinq villes de banlieue, n'ont pris fin que dans la soirée.

Attaques. Dès l'aube, cinquante hommes armés ont coupé la circulation dans le nord de Rio. Ils ont incendié des véhicules et braqué passants et automobilistes. Plus tard, des bombes artisanales ont explosé en deux points de la ville, sans faire de victimes. Six d'entre elles ont visé des immeubles de l'avenue Vieira Souto, située en bord de mer, à Ipanema. A Botafogo, dans le sud chic de la ville, l'attaque d'un bus au cocktail Molotov a blessé treize passagers. Trois policiers ont été atteints dans des affrontements avec les bandits. Au total, 42 véhicules, dont 33 autobus, ont été incendiés. Plusieurs écoles ont dû fermer leurs portes, faute d'élèves. De nombreux commerces n'ont pas osé ouvrir à la suite d'attaques à la bombe et à la mitraillette contre des supermarchés. Le secteur hôtelier craint des retombées sur le tourisme.

Les trafiquants de Rio ont l'habitude de défier l'autorité de l'Etat. L'an dernier, ils avaient même tiré sur la mairie et le siège du gouvernement de l'Etat de Rio. Peu avant les élections d'octobre, la ville avait été paralysée par le Commando rouge (CV, en portugais), le plus important des gangs qui se disputent le contrôle du narcotrafic dans les 800 favelas de Rio, où ils font régner la loi du silence à coups de «condamnations à mort» mais offrent en échange protection et assistance à des populations abandonnées par l'Etat.

Le CV a récidivé lundi. Selon la police, certains des 22 suspects arrêtés ont avoué que l'ordre est venu de Fernandinho Beira-Mar, l'un de ses leaders, détenu dans une cellule individuelle de la prison de haute sécurité de Bangu, désormais équipée d'un dispositif bloquant le téléphone cellulaire : celui-ci entre dans les prisons &endash; au même titre que la drogue et les armes &endash; par le biais d'agents pénitentiaires corrompus, permettant aux malfrats de poursuivre leur bu- siness depuis leur cellule. Mécontent de ses conditions de détention, Beira-Mar, le plus grand trafiquant de drogue et d'armes du Brésil, voulait se venger, selon les autorités, qui ont suspendu les visites aux détenus et leur ont retiré leurs téléviseurs.

Bourbier. Le CV a revendiqué les violences dans un tract dénonçant «la politique dégoûtante et répressive de la police», qui «envahit les favelas et tue des innocents». «Tant que nous ne serons pas traités avec respect, nous ne cesserons pas de provoquer le chaos dans cette ville», menace la faction qui compte sur le nouveau président, Luiz Inacio Lula da Silva, «pour sortir de ce bourbier».

 

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