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Inutile et coûteuse, la guerre à la drogue

Cet échec coûte au bas mot 500 millions de dollars par an, conclut un comité du Sénat

 

Par Brian Myles 

Le jeudi 02 mai 2002

 

Les lourds interdits qui pèsent sur le cannabis sont dépourvus d'impact sur la consommation. La guerre à la drogue est un échec qui coûte au bas mot 500 millions de dollars par an, en plus de transformer 30 000 simples «poteux» en criminels.

Ces affirmations ne viennent pas d'un activiste étourdi engagé dans une croisade pour la légalisation du cannabis mais du très respectable Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites. Ces affirmations constituent en fait des vérités objectives que les sénateurs ont découvertes dans le cadre de leurs travaux. Elles alimenteront une série d'audiences publiques qui s'annoncent houleuses tout au long du mois de mai à travers les grandes villes du pays. Au terme d'une colossale entreprise de mise à jour des connaissances sur la marijuana, le comité du Sénat veut obtenir l'avis de la population pour compléter son rapport final.

«Les politiques publiques ont très peu d'effets sur les tendances d'utilisation», affirme le document de discussion dont Le Devoir a obtenu copie. En d'autres mots, qu'un pays donné adopte une politique de tolérance ou de prohibition, la consommation de cannabis y reste à peu près la même. À preuve, la Convention unique sur les stupéfiants, ratifiée par les États-Unis et le Canada dès 1961, n'a pas pu empêcher l'explosion du marché de la drogue à la fin des années60.

«Les politiques des gouvernements ont aussi des effets négatifs, notamment en s'interdisant une véritable approche de santé publique, d'information équilibrée et de contrôle de la qualité et de la disponibilité des substances. Il s'ensuit que la qualité des produits est variable, que personne ne prend la responsabilité d'informer les usagers du contenu et de l'ensemble des effets des produits, que la production et la distribution des substances sont laissées au monde interlope, notamment aux groupes [criminels] qui en tirent des bénéfices énormes», ajoute le document.

Le comité du Sénat énumère en peu de mots les grandes vérités sur la marijuana, preuves objectives à l'appui. Le cannabis est une drogue; à ce titre, il est préférable de ne pas en consommer. Mais les effets de la petite plante sur la santé sont «relativement mineurs». Environ 35 à 50 % des fumeurs ou des héroïnomanes développent une dépendance, contre 15 à 25 % des buveurs ou des cocaïnomanes et de 8 à 10 % des «fumeux de pot». Le cannabis fait partie de l'expérience humaine depuis deux bons millénaires, rappelle le comité du Sénat. Comme d'autres drogues, il comporte des effets positifs: relaxation, euphorie, sociabilité, vertus thérapeutiques.

Les jeunes de 15 à 24 ans sont les principaux consommateurs de cannabis. Leur consommation atteint un sommet vers 19 ans pour diminuer progressivement après 25 ans. Au Québec et en Ontario, un étudiant du secondaire sur deux a déjà inhalé. Les jeunes fument de plus en plus depuis cinq ans. Un jeune fumeur sur dix est considéré comme un cas problématique (consommation en solitaire, le matin, à répétition). Mais les problèmes de ces jeunes ne s'arrêtent pas à la mari. Ils éprouvent également des difficultés scolaires (décrochage, absentéisme), abusent de l'alcool et adoptent des comportements à risque. Un tel profil laisse présumer que la surconsommation de mari est le symptôme d'un vague à l'âme plutôt qu'une cause. Cependant, cette troublante réalité ne doit pas empêcher le Canada de remettre en question ses politiques publiques en matière de marijuana. Pour s'en convaincre, le comité cite le cas des Pays-Bas, où la consommation chez les jeunes n'est pas plus élevée qu'ailleurs malgré l'existence d'une politique de tolérance.

Les sénateurs pourfendent par ailleurs la guerre à la drogue. En 2002, 30 000 personnes seront accusées d'une infraction aussi banale que la possession simple de cannabis. La moitié de toutes les mises en accusation devant les tribunaux pour des affaires de drogue découlent d'une affaire de possession simple de mari. Un million et demi de citoyens ont récolté un casier judiciaire pour un joint.

D'un point de vue criminel, les fumeurs de cannabis sont pourtant inoffensifs. La substance ne les pousse pas à commettre des délits, elle ne les rend pas agressifs ou antisociaux. Ils deviennent des criminels par la force des choses. Consommer reste un comportement réprouvé par la loi. S'approvisionner revient à encourager le crime organisé. «L'illégalité du cannabis entraîne des dépenses significatives de fonds publics, notamment en temps policier, et une difficulté plus grande à faire de l'information et de la prévention», affirme le document.

Empêcher l'usage ou en minimiser les conséquences néfastes? Le comité du Sénat attend la réponse des Canadiens.

 

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