Source : Acadie Nouvelles


 Le combat contre « la guerre à la drogue »

samedi 13 janvier 2007
Par Gwynne Dyer

En toute probabilité, le nouveau DVD de Barry Cooper, Ne te fais plus jamais arrêter (Never Get Busted Again), qui a été mis en vente sur Internet le mois dernier, ne se vendra pas bien en dehors des États-Unis. En effet, la plupart des autres pays considèrent la possession de marijuana pour usage personnel comme un délit mineur, ou dans certains cas, la police ne s'en préoccupe même pas. En revanche, ce DVD se vendra bien aux États-Unis où chaque année, plusieurs milliers de consommateurs occasionnels de marijuana écopent de sévères peines de prison: c'est une véritable partie de roulette russe nationale où la plupart des gens s'adonnent à leur pratique et s'en sortent indemnes tandis qu'une poignée de malchanceux voient leur vie basculer dans le cauchemar.

Barry Cooper est un ancien policier texan qui a procédé à plus de 800 arrestations dans le cadre de sa fonction d'agent de la brigade des stupéfiants. Mais aujourd'hui, il regrette: "Quand je participais à des descentes chez les gens, brisant les familles, ma conscience me disait que ce n'était pas bien, mais mon désir de pouvoir, de célébrité et d'acceptation dans le groupe prenait le dessus sur ma conscience". À l'évidence, le DVD de Barry Cooper, qui montre aux gens comment éviter de se faire arrêter pour possession de marijuana, le rendra également célèbre et de surcroît très riche, mais au moins il ne fera pas de tort aux gens.
Néanmoins, Barry Cooper n'assume pas ses propres convictions. Son argument est que la guerre à la drogue est inefficace et contre-productive s'agissant de la marijuana. Mais en même temps, il insiste nerveusement sur le fait qu'il ne donne aucune astuce susceptible d'aider les trafiquants de cocaïne ou de méthamphétamine à échapper à la justice. C'est comme si des réformateurs luttant contre les lois prohibitionnistes sur l'alcool en vigueur aux États-Unis dans les années 1920 souhaitaient légaliser à nouveau la bière tout en préconisant de continuer à envoyer les buveurs de vin et de spiritueux en prison. Il existe toutefois des policiers plus courageux, prêts à déclarer fermement et publiquement que toute prohibition autour de la drogue est une erreur.

L'un d'entre eux s'appelle Jack Cole, il a 26 ans d'ancienneté au sein de la police du New Jersey dont l'association Leap ("les forces de l'ordre contre la prohibition"), est soutenue par de plus en plus de policiers en service qui ne croient plus en la "guerre à la drogue" et souhaitent faire régner la paix. "[Notre association] souhaite mettre fin à la prohibition de la drogue, exactement comme nous avons mis fin la prohibition de l'alcool en 1933", affirme Jack Cole. Il fait valoir qu'aucune interdiction de quelque nature que ce soit n'a jamais abouti à la baisse de la consommation des produits illicites ; au contraire, cela n'a fait qu'accroître le vaste empire du crime.

Les policiers se sont posés en leaders de ce mouvement antiprohibition, car ce sont eux qui doivent gérer les conséquences calamiteuses de la "guerre à la drogue". Il est clair que les drogues "euphorisantes" sont très nuisibles, tout comme la consommation d'alcool ou de tabac. Néanmoins, ces effets pernicieux sont mineurs à côté de la quantité de crimes et de ravages humains causés par 40 ans de "guerre" contre les consommateurs de drogues.

Howard Roberts, le chef adjoint de la police de Nottinghamshire est le dernier policier haut gradé en date à avoir plaidé en faveur de la fin de cette guerre contre la drogue, en indiquant en novembre dernier que les héroïnomanes de Grande-Bretagne commettent chacun en moyenne 432 vols, agressions et cambriolages par an pour obtenir l'argent leur permettant d'assouvir leurs besoins illégaux. Chaque toxicomane vole chaque année l'équivalent de quelque 90 000 $, alors que le coût de leur dose d'héroïne, si elle était administrée sur prescription émanant du NHS (le système de santé britannique) et dans le cadre de traitements soumis à de stricts contrôles, ne s'élèverait qu'à 24 000 $ par an.

Ainsi donc, Howard Roberts affirme que le NHS devrait procurer de l'héroïne aux personnes dépendantes sur prescription, comme c'était le cas dans les années 1950 et 1960, avant que les États-Unis ne fassent pression pour que la Grande-Bretagne adopte leur modèle de "guerre à la drogue" (depuis, le nombre d'héroïnomanes en Grande-Bretagne a été multiplié par plusieurs centaines). Quelques jours plus tard, on apprend que le NHS expérimente un retour à cette politique à trois endroits en Grande-Bretagne. Par ailleurs, cela fait quelques années déjà que la Suisse prescrit de l'héroïne aux toxicomanes dans tout le pays et les résultats sont très encourageants : son taux de criminalité a chuté et le taux de mortalité des toxicomanes a nettement baissé.

Si tous les pays s'alignaient sur cette politique consistant à légaliser tout type de drogues et à mettre les drogues dites "dures" gratuitement à disposition des toxicomanes - sur prescription exclusivement - on n'aboutirait pas seulement à l'amélioration de la santé des consommateurs de drogues et à la baisse de la petite délinquance, mais aussi et surtout à la destruction de tous les empires criminels qui se sont bâtis grâce au trafic de drogue international, qui brasse aujourd'hui quelque 500 milliards $ par an. C'est exactement le sort qu'ont connu les organisations criminelles qui vivaient du trafic d'alcool lorsque la prohibition a été levée aux États-Unis en 1933.

Mais qu'arrivera-t-il aux enfants innocents qui seront exposés à ces drogues si elles deviennent gratuites et accessibles à tous ? La réponse est la suivante: rien de plus qu'aujourd'hui. Il n'existe aucune ville et très peu de zones rurales dans le monde développé où on ne peut acheter de la drogue répandue en l'espace d'une demi-heure et contre une somme que tout enfant de 14 ans imaginatif peut se procurer.

En fait, l'offre de drogues extrêmement nocives diminuerait vraisemblablement en cas de légalisation, car cette offre est essentiellement fonction du niveau de risque auquel doivent s'exposer les trafiquants. (L'économiste Milton Friedman a appelé ce phénomène la "Loi de fer de la prohibition": plus la police applique des mesures sévères contre l'utilisation d'une substance, plus cette substance devient concentrée: ainsi, la cocaïne est remplacée par le crack, tout comme la bière a été remplacée par l'alcool de contrebande sous la Prohibition).

Ce n'est sûrement pas demain la veille qu'interviendra la légalisation, puisque même les hommes politiques qui savent que c'est la mesure à prendre ont trop peur des médias de bas étage et de leurs manipulations. Mais à un moment donné, au cours des 50 prochaines années, quand il y aura eu encore quelques dizaines de millions de décès inutiles, l'interdiction de la drogue finira par disparaître.


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