REDUCTION DES RISQUES

Argumentaire

 

La réduction des risques : une réponse efficace face à l'usage de drogues

La réduction des risques est aujourd'hui assimilée aux programmes méthadone, aux programmes d'échange de seringues, aux associations d'usagers de drogues. De fait, elle s'est imposée, en Grande Bretagne puis dans le reste de l'Europe, pour répondre à la menace du sida. Mais elle ne se limite pas à cela. C'est une autre approche des dépendances. Elle se fixe comme objectif de limiter les conséquences néfastes de la consommation de drogues, alcool, tabac, médicaments ou drogues illicites tant pour les personnes concernées que pour la société.

Cet objectif modeste n'est pas contradictoire avec l'abstinence : plus l'usager est exclu, criminalisé et malade, plus faibles sont ses chances de faire face à sa dépendance et de se désintoxiquer.

La réduction des risques est une politique réaliste : l'usage de drogues existe et on ne l'éliminera pas d'un coup de baguette magique ou par des incantations. Qu'on le veuille ou non, les usagers de drogues font partie de notre société. Leur exclusion est la plus mauvaise des réponses.

La réduction des risques est une politique efficace : partout où elle a été largement développée, elle a limité les contaminations par le virus du sida, elle a amélioré la santé des usagers de drogues (maladies infectieuses, abcès...), elle a réduit la mortalité, elle a diminué la délinquance. Ces résultats commencent à être constatés en France même.

 

ARGUMENTS

La réduction des risques est une politique de santé publique.

Elle considère l'usager de drogues comme un citoyen avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Elle est bénéfique pour la société : elle protége la santé et la sécurité de tous.

La réduction des risques est une politique de santé publique

Même si l'usager poursuit sa consommation, il doit pouvoir préserver sa santé. Prévention et soins doivent être offerts à tous.

Pour que l'usager de drogues puisse se protéger du sida, des hépatites et des autres pathologies, pour qu'il puisse maintenir des liens avec la société, la réduction des risques procède pas à pas. De la prévention à la désintoxication, elle propose une gamme de réponses :

- une prévention qui ne soit plus seulement fondée sur la peur et la diabolisation. La prévention ne peut pas se limiter au seul slogan : Non à la drogue ! Près d'un tiers des jeunes aujourd'hui expérimentent des drogues illicites. Il faut les aider à ne pas devenir toxicomanes.

-- une large gamme de traitements à ceux qui veulent interrompre leur intoxication : psychothérapie, sevrage et post-cure, substitution, communauté thérapeutique;

-- l'accès aux soins y compris pour ceux qui poursuivent leur consommation;

-- l'accès aux droits sociaux sans lesquels les mesures purement sanitaires ne peuvent être efficaces;

-- des traitements de substitution à ceux qui ne peuvent pas, pour un temps, vivre sans produit;

-- des seringues propres à ceux qui sont incapables de renoncer à l'injection;

-- des actions de prévention sur le terrain, qu'il s'agisse de quartiers difficiles ou de soirées techno.

Le gouvernement français a reconnu la nécessité de ces services. Traitements de substitution, boutiques, échanges de seringues se sont développées rapidement depuis trois ans. Il reste d'importantes lacunes :

-- grandes disparités régionales,

-- accès limité aux traitements du sida (trithérapies),

-- insuffisance des lieux d'accueil et d"hébergement,

-- absence de politique sociale accompagnant les traitements médicaux des généralistes ou de l'hôpital,

-- absence de prévention auprès des jeunes exposés aux risques (alcool, tabac, cannabis, ecstasy...)

 

L'Etat doit favoriser les expériences pilotes : lits de crise à l'hôpital, bus méthadone d'accès facile, prévention dans les raves et les soirées techno (présence de secouristes, information sur les produits frelatés...). D'autres pays n'hésitent pas à mettre en place des expériences difficiles : accès aux seringues propres dans les prisons, prescription médicalisée d'héroïne.

Une réelle politique de santé publique nécessite la mobilisation de tous, médecins généralistes, spécialistes, psychiatres, services sociaux, hôpitaux. Il faut faire face à l'urgence sanitaire. Tel est le sens de l'action du partenariat de Aides, Médecins du Monde et la Mutualité Française.

La réduction des risques considère l'usager de drogues comme un citoyen à part entière.

Traiter l'usager de drogues comme un citoyen à part entière, intégrer au lieu d'exclure, c'est se donner les moyens d'affronter ensembles les conséquences néfastes de l'usage de drogues.

 

Les dépendances aux substances licites ou illicites relèvent de la prévention et du soin et non de la répression. Il existe dans tous les pays occidentaux un débat sur la question de la dépénalisation de l'usage simple de drogues. Quoi qu'il en soit, les services de police doivent acorder la priorité à la lutte contre le trafic et la délinquance et non à la répression de l'usage simple de drogues.

 

Considérer l'usager comme un citoyen, c'est :

-- faire appel à la responsabilité des usagers : l'expérience a montré que la majorité des usagers pouvaient modifier leurs comportements si on leur en laisse la possibilité. Depuis que les seringues sont en vente libre, la majorité a renoncé au partage des seringues;

-- leur donner les moyens de gérer leur dépendance : les traitements de substitution leur permettent de contrôler leur consommation en s'écartant du marché noir;

-- promouvoir les associations d'usagers : elles changent l'image négative des usagers et élaborent concrètement de nouveaux modes d'usage et de comportement.

-- lutter contre l'exclusion : la citoyenneté devient une abstraction vide de sens lorsqu'elle s'adresse à des personnes sans ressources et sans logement. Renouer des liens avec les usagers les plus marginalisés, c'est leur permettre de retrouver à terme leur autonomie.

 

La réduction des risques est bénéfique pour la société

Protéger la santé des usagers, c'est protéger la santé de tous. L'épidémie de sida a montré combien la santé publique ne se divise pas. Nombre de contaminations consécutives à des transfusions dans les années 80 sont liées à des collectes de sang dans les prisons en particulier de toxicomanes incarcérés.

Restaurer les liens sanitaires et sociaux, c'est limiter la délinquance. Dans la famille comme dans la rue, la violence quotidienne est moindre. Les traitements de substitution permettent aux usagers de sortir du marché noir et limitent la délinquance associée à l'usage de drogues.

La réduction des risques s'attache à renouer des liens sanitaires et sociaux avec les toxicomanes les plus marginalisés et qui sont aussi ceux qui pèsent le plus lourdement sur la société. Les hébergements d'urgence, les lieux d'accueil comme les boutiques, l'aide à la survie ou le travail de proximité répondent aux besoins des toxicomanes les plus marginalisés mais en même temps, ces services contribuent à réduire la violence de la rue et la fracture sociale.

Santé publique et sécurité publique ne sont pas contradictoires : la sécurité de tous passe par la prise en compte des impératifs de santé.

Apporter de l'aide aux usagers de drogues ce n'est en aucune manière encourager la toxicomanie, c'est au contraire affronter ensembles un problème qui rejaillit sur la société toute entière.